Cinq ans plus tard, les «marcheurs» de 2017 ont choisi de mettre un pied à terre en France. Oublié, l’élan symbolisé par ces deux mots, qui reprenaient alors les initiales… d’Emmanuel Macron. C’est un tout autre visage que la future coalition présidentielle aux législatives françaises des 12 et 19 juin a donné ce jeudi, lors de la première présentation de son programme et de ses candidats.
Cette «confédération» de plusieurs courants, regroupant une aile droite autour de l’ex-Premier ministre Edouard Philippe et une aile gauche autour du président sortant de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, se nommera «Ensemble». Le parti «La République en marche» (LREM) reprendra lui l'appellation «Renaissance» déjà utilisée pour les élections européennes de mai 2019. Le terme «Ensemble» correspond aux slogans «Avec vous» et «Nous tous» utilisés par Emmanuel Macron durant sa courte campagne électorale, achevée par sa victoire du 24 avril avec 58,5% des voix. Rassembler un pays qui n’a jamais été aussi divisé et polarisé, face à ses deux opposants en chef que sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon: la volonté présidentielle est au moins présente dans le vocabulaire.
Deux adversaires bien identifiés
«Ensemble» donc… contre deux adversaires qui n’affichent pas la même dynamique. A gauche, la «France insoumise» de Jean Luc Mélenchon, longtemps considérée comme radicale voire extrémiste, a réussi son pari en concluant une alliance électorale avec les communistes, les écologistes et… les socialistes, même si ces derniers sont en train de s’écharper et de se diviser à ce sujet. Carton plein pour «La nouvelle Union populaire écologique et sociale», qui espère rejouer dans les urnes le scénario des grands moments de la gauche française que furent le Front populaire de 1936, qui porta Léon Blum au pouvoir et l’Union de la gauche de 1981, qui permit à François Mitterrand d’accéder à l’Elysée.
À droite en revanche, l’affaire est beaucoup plus compliquée. Les conservateurs réunis au sein du parti «Les Républicains» – une centaine de députés sortants – campent sur leur identité et se préparent à aller seuls au combat électoral, malgré la débâcle présidentielle de leur candidate, Valérie Pécresse. Et à l’extrême-droite, le combat est fratricide: le parti «Reconquête» d’Éric Zemmour et le «Rassemblement national» de Marine Le Pen s’affrontent sans merci. Au risque de se voir privés de sièges dans un pays où le scrutin majoritaire à deux tours par circonscription est redoutable, car il privilégie l’ancrage local et les alliances, plutôt que la représentativité nationale des partis.
«Ensemble», mais pour aller où?
«Ensemble»? Sur la photo des principaux leaders de cette alliance, les visages sont souriants. On y retrouve le centriste François Bayrou, qui avec son parti Modem (Mouvement démocrate) a toujours rêvé de faire exploser le clivage droite-gauche et contribua largement à la victoire de Macron en 2017. Mais en coulisses, les couteaux politiques sont aiguisés, surtout du côté droit, où l’ex-Premier ministre Edouard Philippe se prépare déjà à la campagne présidentielle de… 2027, puisqu'Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter une troisième fois. La Constitution le lui interdit.
Bataille de femmes pour la circonscription Suisse-Liechtenstein
187 circonscriptions sont déjà pourvues. Pour celles des français de l'étranger, le suspense demeure pour celle recouvrant la Suisse et le Liechtenstein, où il est acquis que le député sortant Joachim Son-Forget, élu en 2017 avec l'étiquette LREM, ne se représentera pas. Un nom souvent cité est celui de Prisca Thévenot, une porte-parole de l'ex «République en marche». Elle pourrait affronter une adversaire de la «France Insoumise» installée en Suisse alémanique, Magali Mangin, déjà désignée. Deux circonscriptions hors de France sont en revanche pourvues par la coalition macronienne: celle de l'Espagne et du Portugal attribuée à l'ex premier ministre socialiste Manuel Valls, dont la mère est tessinoise. Et celle du Benelux attribuée au sortant Pierre-Alexandre Anglade.
Hier, «En Marche» signifiait le mouvement, la rupture, la capacité à «transformer» la France comme le proposait le candidat Macron dans son livre «Révolution» (XO éditions). Aujourd’hui, «Ensemble» espère convaincre les électeurs de ne pas céder aux colères, sans toutefois afficher de programme politique bien précis. Emmanuel Macron sera investi le samedi 7 mai. Son premier quinquennat se terminera officiellement le 13 mai à minuit. Il n’a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre pour succéder au haut fonctionnaire Jean Castex. On pourrait résumer d’une question: «Ensemble», peut-être, mais pour aller où?