Torture et exécutions brutales
Ce mercenaire de Wagner parle de ses crimes au tribunal de La Haye

L'ancien mercenaire du groupe Wagner Igor Salikov déballe dans les crimes de guerre commis par les Russes. Dans une lettre adressée à la Cour internationale de justice de La Haye, il revient sur les atrocités qu'il a pu commettre ou qu'il a observées.
Publié: 21.12.2023 à 16:05 heures
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Igor Salikov a combattu pour le groupe Wagner et a été commandant en chef du groupe Redut.
Photo: Telegram
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Jenny Wagner

Le 18 décembre, le vol KL598 décolle du Cap pour Amsterdam. À bord se trouve l'ancien mercenaire du groupe Wagner, Igor Salikov, en route pour La Haye afin de témoigner devant la Cour internationale de justice sur les crimes de guerre commis par les Russes.

Igor Salikov, 60 ans, était en Ukraine de 2014 à 2015. En 2017, il faisait partie des apprentis du groupe Wagner. Sous la direction de son ex-patron, Evgueni Prigojine (1961-2023), il a combattu en Syrie et dans certains pays d'Afrique. En 2022, il était en Ukraine à la tête d'une unité de l'armée privée Redut, l'une des troupes de mercenaires les plus en vue avec Wagner, qui opère sous le couvert du ministère russe de la Défense.

Au total, Salikov a servi pendant 25 ans, avant de prendre la fuite. Il est le premier commandant en chef à témoigner devant la Cour internationale de justice, sur une base volontaire. Ses aveux montrent avec quelle cruauté les soldats ont agi. Il vient d'accorder une interview à l'émission néerlandaise «EenVandaag».

«Rien de tout cela n'était vrai»

En 2014, l'homme s'est rendu à Donetsk pour le «référendum populaire» forcé. Le 11 mai, la République populaire autoproclamée de Donetsk avait déclaré son indépendance du reste de l'Ukraine. Mais à l'époque, même la Russie n'avait pas reconnu cette indépendance.

«J'ai soutenu les 'séparatistes' là-bas et j'ai été témoin d'une campagne de propagande bien pensée, raconte-t-il. Nous sommes devenus, sans le savoir, des participants à un coup d'État en Ukraine mené par la Russie.»

Le 27 mai 2014, de violents combats ont eu lieu à l'aéroport de Donetsk entre l'armée ukrainienne et des séparatistes ainsi que des volontaires russes. «L'administration présidentielle russe a donné l'ordre secret de laisser la situation s'envenimer. Cela a donné lieu à une bataille sanglante.» Lors d'une deuxième grande attaque contre l'aéroport en septembre, entre 200 et 800 personnes ont perdu la vie.

Depuis 2014, le président russe Vladimir Poutine ne cesse d'affirmer que la langue russe est interdite dans le Donbass et que des compatriotes y sont torturés. L'objectif de la guerre en Ukraine serait ainsi de «libérer le peuple des nationalistes ukrainiens». Igor Salikov croyait à ce refrain. «Mais après deux ans là-bas, j'ai compris que rien de tout cela n'était vrai.»

La Russie aurait enlevé 6000 enfants ukrainiens

«J'ai vu des gens des services secrets faire passer un grand nombre d'enfants sans parents de l'autre côté de la frontière, en Biélorussie», explique l'ex-mercenaire. Des «convois entiers d'agents sont arrivés, dans des voitures et des camionnettes spéciales». Poutine lui-même et la déléguée russe aux droits de l'enfant Maria Lvova-Bielova font l'objet d'un mandat d'arrêt international pour enlèvement d'enfant. Des recherches menées par l'université américaine de Yale montrent qu'ils sont 6000 à avoir été emmenés en Russie pour y être «rééduqués».

CH Media dispose d'une copie d'une lettre adressée par Igor Salikov à Karim Ahmad Khan, procureur en chef de la Cour internationale de justice. Il y décrit comment Evgueni Prigojine et le fondateur de Wagner Dmitri Utkin (1970-2023) ont mis en place un système de terreur, basé sur les représailles. Des civils ont été «torturés et brutalement exécutés» par des mercenaires russes. Ils ont été «démembrés vivants ou écrasés par des chars».

La Haye confirme l'aide d'Igor Salikov

En 2022, Igor Salikov a été témoin de l'utilisation d'armes à sous-munitions à Kiev. «Il y avait des corps partout avec des membres arrachés, se souvient-il dans sa lettre. J'ai vu un chien qui traînait non pas une poupée, mais la moitié du corps d'un enfant.» Le Russe affirme qu'il a fini par refuser de tuer des civils innocents et qu'il devait être traduit en cour martiale en Russie pour cela. Il a toutefois réussi à s'échapper. Avec l'aide des autorités néerlandaises, il a pu entrer aux Pays-Bas.

Le procureur Youri Belousov a confirmé à l'agence de presse Reuters qu'Igor Salikov était en contact avec les autorités néerlandaises. Il écrit: «Il a fait des déclarations importantes sur l'attaque du 24 février 2022, dont certaines ont déjà été confirmées. Il a fait état de crimes de guerre sur lesquels nous enquêtons et dont certains ont déjà été confirmés». Igor Salikov demande l'asile politique aux Pays-Bas.

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