Rite républicain
À l'Élysée, le grand spectacle de l'investiture présidentielle

Emmanuel Macron sera officiellement investi ce samedi président de la République française. Même si son premier quinquennat s'achèvera le 13 mai à minuit. Portrait d'un rite républicain qui en dit long sur chaque chef de l'État.
Publié: 07.05.2022 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 07.05.2022 à 09:18 heures
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21 mais 1981: le président sortant, Valéry Giscard d'Estaing (à gauche), cède le pouvoir à son successeur, François Mitterrand, avant de partir à pied.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

D’abord, éviter la faute républicaine! Réélu pour un second mandat le 24 avril avec 58,5% des voix, Emmanuel Macron ne sera pas ré-investi président de la République. «Il ne s’agira pas d’un réinvestiture, mais d’une investiture», a expliqué aux journalistes l’entourage du locataire de l’Élysée.

Mais attention: la cérémonie de ce samedi 7 mai, à partir de 10h30, sera particulière. Elle ne s’accompagnera ni de la visite rituelle du président élu à l’Hôtel de ville de Paris, ni de sa traditionnelle (et populaire) descente des Champs-Elysées, comme cela fut le cas pour ses prédécesseurs eux aussi réélus (Mitterrand en 1988, Chirac en 2002). Tout se passera, cette fois, dans l’enceinte du palais présidentiel. Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, re-proclamera les résultats déjà officialisés par ses soins le 27 avril. Puis le Général Puga, Grand Chancelier de la Légion d’honneur, remettra à Emmanuel Macron le collier à seize maillons de grand maître de cet ordre présidentiel.

Dans le jardin de l'Élysée

Dans la salle des fêtes de l’Élysée? Tous les dignitaires de la République, ainsi qu'environ 500 invités, dont la famille «recomposée» du président et de son épouse Brigitte (mariés depuis vingt ans, ils n’ont pas eu d’enfants), et les anciens Chefs de l'Etat Nicolas Sarkozy et François Hollande. Mais c’est surtout dans le jardin élyséen que cela se passera: le président, après avoir prononcé un court discours destiné à donner le ton de son nouveau mandat (sa première intervention publique post-élection aura lieu au parlement européen à Strasbourg, le 9 mai et son premier quinquennat s'achèvera le 13 mai à minuit), y saluera plusieurs contingents militaires dont un bataillon de la Légion étrangère et un équipage de la Force aérienne stratégique, porteuse de l’arme atomique. Un hommage volontariste à la dissuasion nucléaire française – même s’il ne sera pas nécessaire, cette fois, de transmettre les codes d’un président à l’autre – à la veille du défilé militaire Russe très attendu à Moscou, dimanche 9 mai.

Que dire de cette investiture? Les archives présidentielles françaises nous apportent de passionnantes réponses. Premier point: le spectacle républicain. «L’investiture est faite pour incarner la République aux yeux des Français. Elle célèbre le bon fonctionnement des institutions démocratiques», confie un conseiller Élyséen. Surtout sous la Ve République, conçue par le Général de Gaulle comme la combinaison des traditions monarchiques et du suffrage universel. Jusqu’au référendum du 28 octobre 1962 qui instaure l’élection directe du chef de l’État par tous les Français, le locataire de l’Élysée était élu à la majorité absolue par les deux chambres du parlement réunies en Congrès. Puis tout a changé. De Gaulle voyait la fonction présidentielle comme «la rencontre d’un homme et de la nation». Emmanuel Macron y pensera sans doute lorsque retentiront, ce samedi, les 21 coups de canons tirés depuis les Invalides.

Comment ne pas songer, en ces temps de guerre en Ukraine, aux premiers mots de Charles de Gaulle en 1959 (il venait alors d’être élu par les parlementaires): «Destin de la France! Ces mots évoquent l’héritage du passé, les obligations du présent et l’espoir de l’avenir. Depuis qu’à Paris, voici bientôt mille ans, la France prit son nom et l’État sa fonction, notre pays a beaucoup vécu. Tantôt dans la douleur et tantôt dans la gloire, il a durement surmonté les innombrables vicissitudes du dedans et du dehors…»

La marche au Panthéon de 1981

Certaines images parlent toutefois plus que le protocole. Le 21 mai 1981 au matin, c’est le départ de Valéry Giscard d'Estaing de l’Élysée à pied que tout le monde retient, puis la marche de François Mitterrand, nouveau chef de l’État, au Panthéon. On se souvient aussi de Jacques Chirac raccompagnant ce même Mitterrand, gravement malade, jusqu’à sa voiture le 18 mai 1995. Ou des «mormons», le surnom des plus proches conseillers d’Emmanuel Macron au début de son premier mandat, déboulant sur le tapis rouge du palais présidentiel le 14 mai 2017.

«L’investiture, c’est aussi le spectacle de la République donné au monde», estime le politologue Roland Cayrol, auteur de «Un président sur la corde raide» (Ed. Calmann Levy). Orchestre de la Garde républicaine, troupes en grand uniforme (les redoutables «nageurs de combat» devraient garder le visage masqué), accolades affectueuses avec ses invités triés sur le volet… Mais gare: pas de serment religieux sur la Bible comme à Washington, pour la prestation de serment de chaque nouveau président des États-Unis. La République française est laïque.

Le spectacle présidentiel par excellence

Racontez-moi votre investiture, et je vous dirai quel président vous êtes: c’est presque ça! Pour De Gaulle, réélu en 1965 (face à François Mitterrand), la raideur héritée de l’ancien régime. Pour Giscard le réformateur, des mots sur «la jeunesse qui porte comme des torches la gaieté et l’avenir». Pour Mitterrand le «Sphinx» politique, la célébration de Jean Jaurès au Panthéon et la bise à Pierre Mendès France. Pour Nicolas Sarkozy, l’hommage rendu dans l’après-midi à 35 jeunes résistants fusillés par les Allemands en août 1944.

Il faudra scruter le spectacle présidentiel ce samedi matin à l’Élysée. Il dira si Emmanuel Macron veut encore présider comme «Jupiter» ou s’il croit vraiment au nouveau nom de son mouvement présidentiel: «Ensemble».

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