La résidence de campagne du président américain, située au bord des Blue Ridge Mountains dans l'Etat américain du Maryland, est le théâtre d'une rencontre historique. Vendredi, le président américain Joe Biden y a accueilli le chef du gouvernement japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol pour un sommet historique entre ces trois puissances. Thème principal des discussions: la menace que représentent la Chine et la Corée du Nord.
Il s'agit avant tout de parler d'une coopération militaire. Selon les rapports, les Etats-Unis veulent développer avec le Japon des missiles modernes capables d'intercepter des projectiles hypersoniques. Ces derniers peuvent atteindre plusieurs fois la vitesse du son et sont développés par les puissances nucléaires que sont la Chine, la Russie et peut-être aussi la Corée du Nord. Pour se préparer à cette éventuelle menace, une hotline va être mise en place pour un échange rapide en situation de crise.
Alors que la Corée du Sud et le Japon craignent des attaques de la Corée du Nord, le Japon a également peur d'une invasion de la Chine. En effet, la chaîne d'îles d'Okinawa au sud-ouest du Japon, où les Etats-Unis ont stationné des troupes, est pratiquement limitrophe de Taïwan. En cas d'attaque chinoise sur Taïwan, le Japon pourrait être impliqué dans une guerre avec la Chine.
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Le Japon double son budget militaire
Le Japon s'équipe donc massivement. Ainsi, le budget militaire du pays, qui représente actuellement 1,1% de leur produit intérieur brut, sera pratiquement doublé au cours des quatre prochaines années. En outre, les forces d'autodéfense, qui comptent actuellement environ 250'000 soldats actifs, pourraient être autorisées à attaquer préventivement les bases de missiles étrangères si elles menacent de lancer des attaques.
Avec cette orientation, le Japon s'éloigne de plus en plus du pacifisme prescrit par la Constitution de 1946, qui interdit les activités guerrières et l'entretien de forces armées.
L'ennemi unit
Le fait que les trois représentants de l'Etat se retrouvent autour d'une table ne va pas de soi. C'est avant tout l'ennemi commun, la Chine, qui réunit le trio en une «OTAN asiatique», comme on appelle aussi l'alliance. En effet, des divergences massives existent depuis des décennies entre la Corée du Sud et le Japon. Depuis 1910, la Corée était sous domination coloniale japonaise et, pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Coréens ont été envoyés au Japon pour y effectuer des travaux forcés.
Depuis que le conservateur Yoon Suk Yeol est président de la Corée du Sud, les choses se sont apaisées. En mars, les deux Etats ont trouvé un compromis sur l'indemnisation des victimes de la domination coloniale. Des visites d'Etat réciproques ont eu lieu, et ils se disent «partenaires».
Une coopération fragile
Pour Alexandra Sakaki, spécialiste de l'Asie à la Fondation Science et Politique à Berlin, le sommet a donc une «immense importance» pour la région de l'Asie de l'Est. Elle explique: «Sur fond de guerre en Ukraine, les trois partenaires regardent avec une profonde inquiétude les tensions croissantes autour de la Corée du Nord et dans le détroit de Taïwan. En coopérant plus étroitement, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud espèrent assurer la stabilité dans la région.»
On peut toutefois se demander combien de temps durera cette coopération et quel sera son succès. Car aux Etats-Unis, il est théoriquement possible que Donald Trump, qui ne croit pas beaucoup aux alliances où d'autres en profitent plus que lui, soit à nouveau président en 2025.
La sérénité n'est pas non plus de mise chez les alliés eux-mêmes. «Il y a un manque de soutien public concernant le rapprochement avec le Japon, surtout en Corée du Sud, analyse Alexandra Sakaki. Même si les trois parties font actuellement preuve d'unité, des reculs dans la coopération ne sont donc pas à exclure à l'avenir.»