Il y a comme un air de nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine. Les observateurs internationaux prédisaient déjà le pire pour les relations entre les deux superpuissances. La première et la deuxième économie du monde s'écharpent depuis longtemps sur de nombreuses questions importantes.
Le survol du territoire étasunien par un ballon espion chinois au début de l'année a provoqué une crise diplomatique. Les Etats-Unis n'ont pas levé leurs sanctions visant à empêcher la Chine d'accéder à la technologie des puces électroniques d'importance stratégique. Et la République populaire chinoise est critiquée pour sa position neutre dans la guerre en Ukraine et dans le conflit entre Israël et le Hamas. Dernières tensions en date: un avion de combat chinois se serait dangereusement approché d'un bombardier étasunien, selon la Maison blanche.
Mais depuis quelques jours, un dégel semble poindre entre la Chine et les Etats-Unis.
Une rencontre pourrait survenir
Lors d'une rencontre avec le secrétaire d'Etat étasunien Anthony Blinken vendredi, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré vouloir clarifier les «malentendus» avec les Etats-Unis. Les relations entre les deux Etats doivent être remises sur les rails d'une voie saine, stable et durable. Anthony Blinken a adopté un ton similaire. Ces manœuvres diplomatiques semblent se concrétiser rapidement: il est désormais question d'une rencontre à San Francisco dès novembre entre les deux chefs d'État, Joe Biden et Xi Jinping.
Mais pourquoi cette précipitation? Contacté par Blick, la spécialiste de la Chine à l'Université de Zurich Simona Grano explique: «Les deux pays sont prêts à réduire les tensions. De nombreux fronts géopolitiques préoccupent les Etats-Unis tout comme la Chine – chez eux, comme à l'étranger.»
Deux superpuissances en crise
En effet, les Etats-Unis font face à un monde complexe et hostile sur le plan extérieur. Pour la première fois depuis la stagnation de l'Union soviétique dans les années 1970, les Etats-Unis font face à une opposition sérieuse et organisée, menée par la Chine. Sur le plan intérieur, le monde politique est secoué par des dysfonctionnements, entre autres causés par un Parti républicain de plus en plus isolationniste.
La menace étrangère s'articule sur trois axes. D'abord, le chaos que l'Iran répand au Moyen-Orient et la Russie en Ukraine. L'agression et l'instabilité engloutissent les ressources politiques, financières et militaires des Etats-Unis. Le conflit se propagera en Europe si la Russie s'impose en Ukraine. L'effusion de sang pourrait radicaliser les populations du Moyen-Orient et les dresser contre leurs gouvernements. Les guerres attirent les Etats-Unis, qui deviennent facilement la cible d'accusations de bellicisme et d'hypocrisie. Washington a donc fort à faire et n'a pas besoin d'un autre conflit.
La Chine est, elle aussi, fragilisée politiquement sur les plans intérieur et extérieur. Les défis économiques auxquels fait face Pékin comprennent une croissance économique ralentie, un secteur privé en difficulté, un endettement croissant et une population qui vieillit rapidement. Depuis la pandémie de Covid-19, le pays ne parvient plus à s'extraire des crises qui le secouent. Simona Grano rappelle en outre que la Chine est occupée par les Etats-Unis et Taïwan sur le plan étranger.
Un dégel aux répercussions internationales importantes
La spécialiste estime que «les deux parties veulent éviter une nouvelle escalade et l'éclatement d'un autre conflit militaire». Les Etats-Unis espèrent aussi que la Chine leur apportera son soutien vis-à-vis de certaines questions géopolitiques: «Le conflit entre Israël et le Hamas a donné une nouvelle dynamique aux relations tendues entre les deux superpuissances, et Washington espère que Pékin pourra utiliser son influence sur l'Iran pour éviter une escalade vers une guerre majeure au Proche-Orient.»
Il n'est toutefois pas certain qu'une véritable «relation saine, stable et durable», comme l'a formulé le ministre chinois des Affaires étrangères, puisse voir le jour, explique l'experte de l'Université de Zurich: «Le dialogue contribuerait à dissiper les malentendus et à stabiliser les relations entre les Etats-Unis et la Chine», mais les paroles doivent se transformer en actes. Selon Simona Grano, le désinvestissement chinois du théâtre de la mer de Chine méridionale est une condition sine qua non d'un potentiel dégel: «Si ce n'est pas le cas, de telles tentatives de dialogue n'auront aucun sens.»
Lors d'un événement tenu samedi à Washington, le ministre des Affaires étrangères Wang a fait savoir que «les deux parties espèrent stabiliser et améliorer leurs relations bilatérales le plus rapidement possible et ont convenu de travailler ensemble en vue d'un sommet à San Francisco entre les deux chefs d'Etat», a indiqué l'agence Chine nouvelle. Mais «le chemin vers San Francisco est semé d'embûches et ne peut être laissé en 'pilote automatique'», a averti M. Wang, selon l'agence.