C'est à Dubaï – la ville qui n'existerait pas sans le commerce du pétrole – que l'abandon des énergies fossiles doit être adopté. C'est du moins l'objectif de la 28e conférence climatique de l'ONU (COP28), qui se déroule depuis une semaine dans cette ville des Émirats arabes unis.
Plus de 100 nations participantes soutiennent déjà une réduction de la dépendance au pétrole et au gaz. D'une manière ou d'une autre, on espère que les énergies fossiles deviendront moins attrayantes lorsque les 200 pays se seront engagés à les abandonner. La même décision avait d'ailleurs été prise avec le charbon en 2021 lors de la conférence de l'ONU sur le climat. Depuis, cette matière première perd gentiment de son prestige, à quelques exceptions près.
Mardi 5 décembre, une semaine avant la fin officielle de la conférence, une première version du rapport final a été publiée. Ce document de 24 pages ne traite que d'une seule chose: le début de la fin du pétrole et du gaz naturel. Les géants de l'or noir sont-ils en train de se détruire à la COP28?
Le lobby pétrolier le plus puissant à la COP28
Il semblerait que ce soit le cas. Car le rapport final serait probablement le plus grand jalon depuis l'accord de Paris sur le climat de 2015. Toutefois, le texte se réserve le droit de nuancer ce paragraphe important. L'expert climatique Niklas Höhne a déclaré: «De nombreux pays souhaitent se garder une porte de sortie.» C'est ce que convoitent plusieurs pays lors de la conférence, dont l'Arabie saoudite, la Chine et la Russie. Ils ont d'ailleurs bloqué une décision en ce sens lors de la dernière conférence, il y a un an.
Les représentants de l'industrie pétrolière et gazière sont plus nombreux à la COP28 que la plupart des délégations nationales. C'est ce qu'a révélé une analyse des données de l'ONU effectuée par plusieurs organisations à but non lucratif. L'analyse des participants a permis d'identifier plus de 2450 personnes désignées comme représentants du secteur des combustibles fossiles. Un signe des efforts croissants des industries pour influencer le débat sur la politique climatique mondiale.
Logique, car si une sortie du fossile devait effectivement se concrétiser, les géants des combustibles en prendraient pour leur grade. La Chine a besoin de beaucoup de pétrole et de gaz, la Russie et l'Arabie saoudite gagnent une part considérable de leur argent avec les matières premières fossiles. Un abandon radical serait fatal pour eux. Mais la situation serait tout aussi sombre pour les entreprises qui commercialisent le pétrole et le gaz.
Quel est l'avenir des énergies fossiles?
Le président d'ExxonMobil, Darren Woods, montre, lui aussi, à quel point la situation est difficile pour le secteur des énergies fossiles. Il s'est présenté ce week-end à la conférence de l'ONU sur le climat pour défendre son modèle économique. Selon lui, ce sont les émissions de dioxyde de carbone qui posent problème, et non les combustibles fossiles. Et le pétrole pourrait, selon lui, devenir climatiquement neutre grâce au captage et au stockage du CO2 (CSC).
Sultan Ahmed al Jaber, président de la COP28 et PDG du groupe pétrolier Adnoc, a tenté une pirouette similaire ce week-end. Il affirme qu'il n'existe «aucune preuve scientifique» indiquant qu'il est nécessaire d'abandonner les combustibles fossiles pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. C'est ce qu'a rapporté «The Guardian» ce week-end. Sultan Ahmed Al Jaber a également déclaré qu'un abandon des combustibles fossiles ne permettrait pas un développement durable, «à moins de vouloir ramener le monde à l'âge de pierre».
Recevant la possibilité de s'expliquer, il dément ces déclarations, et surprend: il estime qu'il est «essentiel» de sortir des énergies fossiles et de les réduire. Il est «assez surpris par les tentatives constantes et répétées de saper le travail de la présidence de la COP28», a-t-il déclaré ce lundi.
Mais même si ce rapport final constitue une étape symbolique et même si les géants du pétrole deviennent nerveux, «Just stop oil» n'est pas si simple. En effet, en 2022, la consommation mondiale de pétrole s'élevait à environ 97 millions de barils par jour. Au cours des 50 dernières années, la consommation mondiale d'or noir a triplé. S'en affranchir restera une tâche difficile.