Les événements du 6 janvier 2021 ont choqué le monde entier. Les images sont encore dans les tous esprits des citoyens américains. Une foule brandissant des drapeaux Trump prend violemment d'assaut le Capitole à Washington. Des centaines de personnes pénètrent dans le bâtiment du Parlement. Ils veulent empêcher la nomination du président Joe Biden. Certains hommes armés prévoient de ligoter des députés, voire de lyncher le vice-président de l'époque, Mike Pence. Donald Trump himself a incité à ces débordements, estimant que sa destitution était une fraude.
Aujourd'hui, trois ans plus tard, ledit républicain veut revenir à la Maison Blanche – et a de bonnes chances d'y parvenir. Si des élections avaient lieu aujourd'hui aux Etats-Unis, des études montrent que 47% des Américains voteraient Trump. Biden n'obtiendrait que 44% des voix. Comment une telle chose est-elle possible dans la plus vieille démocratie du monde?
Le bilan de Joe Biden serait-il à blâmer? Eh bien, à y regarder de plus près, surprise: ses résultats ne seraient pas si mauvais que cela. Joe Biden a tenu bon nombre de ses promesses électorales. Il a investi massivement dans l'infrastructure, les projets climatiques, la production nationale et la santé. Il a créé un nombre record d'emplois et réduit le taux de chômage à 3,5%, tout en renforçant l'alliance transatlantique. Malgré tout, Biden est plus impopulaire que jamais. Selon un sondage, seuls 39% des personnes interrogées appréciaient son travail le 3 janvier 2024, et plus de 56% ne l'approuvaient pas. Même dans les six Etats dits «swing», où les électeurs hésitent traditionnellement entre démocrates et républicains, Trump ferait aujourd'hui la course en tête.
Bon bilan pour Biden, scandales pour Trump
«Les mauvais résultats de Biden dans les sondages laissent déjà perplexe», explique Martin Thunert, politologue au Center for American Studies de Heidelberg. «Les Etats-Unis se portent mieux aujourd'hui sur le plan économique. Mais ce qui compte, c'est le sentiment subjectif de la population, par exemple que les prix des denrées alimentaires sont plus élevés qu'avant en raison de l'inflation». De plus, la migration à la frontière sud est toujours très importante, selon lui. La question des immigrés clandestins serait particulièrement sensible pour la société américaine.
Entre-temps, Donald Trump a fait la une des journaux avec des scandales. Il a plusieurs procès en cours pour tentative de manipulation électorale, possession de documents gouvernementaux hautement confidentiels, paiement d'argent pour acheter le silence d'une actrice porno, diffamation et fraude. Il évite les débats télévisés avec les autres candidats républicains, préférant faire campagne depuis les salles d'audience. Il annonce que dès qu'il deviendrait président «pour la troisième fois», il emprisonnerait tous ses opposants politiques et ses critiques, y compris Joe Biden et Hillary Clinton.
Et il utiliserait l'armée contre les manifestants. Il gracierait tous les assaillants du Capitole qui ont entre-temps été condamnés. Au lieu de présenter des programmes politiques, l'ex-président attise les peurs primaires de la population. La polémique fait son effet. Les derniers sondages le montrent. Il semble rejeter les nouvelles négatives à son sujet d'un simple revers de la main.
Une majorité de républicains croit au «grand mensonge» de Trump
Ainsi, 61% des républicains continuent de croire au «grand mensonge» de Trump selon lequel l'élection de 2020 a été volée par les démocrates. De même, beaucoup croient à la fable de Trump selon laquelle le FBI serait derrière l'assaut du Capitole, rapporte CNN. Ses électeurs habituels en sont convaincus: toutes les procédures engagées contre leur idole politique sont, comme Trump le souligne toujours, une pure chasse aux sorcières contre lui.
«Trump dispose d'une base électorale solide d'environ 37% des républicains», explique Claudia Brühwiler, 41 ans, experte des Etats-Unis à l'université de Saint-Gall. C'est pourquoi l'ancien entrepreneur immobilier sera certainement candidat à la présidence. Mais il n'est pas encore certain de remporter les élections du 5 novembre. Trump aurait besoin des voix d'électeurs indépendants. D'éventuels jugements dans les procès à venir pourraient encore jouer un rôle. «Les sondages ont toujours une marge d'erreur», explique la politologue.
Les deux experts sont sûrs d'un point: l'un des plus grands problèmes de Biden est son image de vieux candidat. Le fait que les médias se focalisent constamment sur des images du président américain qui chute, bégaie, perd le fil de son discours, n'inspire pas confiance, affirme Claudia Brühwiler. Et Martin Thunert: «Joe Biden aime faire du vélo. Là, ce ne sont pas les dix miles qu'il fait à vélo qui comptent, mais la seule chute enregistrée avec le téléphone portable». Trump est sans doute plus résilient en ce qui concerne l'âge. Il préfère jouer au golf, où moins de malheurs peuvent arriver.