La Biélorussie a introduit la peine de mort pour préparation d’attentat ou «tentative d’acte de terrorisme», selon un décret publié mercredi, un durcissement qui vise directement l’opposition, d’après sa cheffe exilée.
«Le président Alexandre Loukachenko a signé la loi prévoyant la possibilité de la peine de mort pour une tentative d’acte de terrorisme», selon l’agence russe Ria Novosti, alors que jusqu’à présent seuls ceux qui avaient commis un tel acte étaient passibles d’exécution. Selon l’agence russe Interfax, le texte, qui a été publié mercredi, stipule qu’aucune «préparation ou tentative» de crime n’est passible de peine de mort, à l’exception de ceux qualifiés de «terroristes».
Le portail publiant les textes de droit biélorusses n’était pas accessible mercredi depuis l’étranger, mais selon les agences russes, ces nouvelles normes entreront en vigueur dans une dizaine de jours.
Saboter les voies pour ralentir Poutine
Le Parlement biélorusse s’était prononcé en faveur de l’extension de la peine de mort après que des activistes ont tenté de saboter des parties du réseau ferroviaire afin d’entraver l’envoi de troupes en Ukraine par la Russie.
Au tout début de la guerre, la Russie a utilisé son proche allié biélorusse comme zone de déploiement pour son invasion de l’Ukraine le 24 février. Minsk nie toute implication dans le conflit, mais reconnaît que le territoire biélorusse a été utilisé pour l’invasion.
Déjà de nombreuses sanctions
Depuis le vaste mouvement de contestation de 2020 contre la réélection de l’autoritaire Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, de nombreux opposants ont été inculpés et arrêtés pour tentative ou préparation d’acte de terrorisme.
En mars 2021, le Parquet du pays avait annoncé que la cheffe de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, contrainte à l’exil en 2020 par la répression de la contestation, faisait elle-même l’objet d’une enquête pour «préparation d’acte de terrorisme en bande organisée», selon l’agence d’État biélorusse Belta.
La Biélorussie et ses dirigeants font déjà l’objet de nombreuses sanctions occidentales, d’une part à cause de la répression qui y a décimé l’opposition et la société civile, d’autre part du fait du soutien à l’offensive russe contre l’Ukraine. Il s’agit du dernier pays d’Europe qui applique encore la peine de mort.
Une balle dans la nuque
Le pays procède chaque année à plusieurs exécutions, d’une balle tirée dans la nuque du condamné, et qui sont toujours gardées secrètes, les familles n’étant informées que quelques mois après.
De nombreuses figures du mouvement ont été condamnées à de lourdes peines de prison, les ONG et médias indépendants ont été bannis et taxés d’extrémisme, y compris Svetlana Tikhanovskaïa, qui avait amassé un soutien populaire surprise et mobilisé des foules immenses pour dénoncer un scrutin truqué par le président biélorusse.
Une douzaine de militants déjà en procès
Un nouveau procès de douze militants de l’opposition s’est ouvert d’ailleurs mercredi dans la ville de Grodno et leur dirigeant présumé, Nikolaï Avtoukhovitch, est notamment accusé d’acte de «terrorisme» et de préparation d’un acte de «terrorisme» en bande organisée, selon l’ONG de défense des droits humains Viasna. Selon cette dernière, le groupe est accusé d’avoir mis le feu à une voiture et à la maison d’un policier, puis d’avoir fait exploser la voiture d’un autre.
Une autre personne a été inculpée de terrorisme pour avoir barbouillé de peinture rouge la voiture d’un juge et une autre pour avoir jeté une pierre contre la fenêtre d’un procureur. Parmi les personnes poursuivies se trouve également Svetlana Tikhanovskaïa, qui reste en exil.
Appel à la communauté internationale
«Le régime illégal a introduit la peine capitale pour des cas de tentative de terrorisme», a commenté sur Twitter Svetlana Tikhanovskaïa. «J’appelle la communauté internationale à réagir: sanctionner les parlementaires et user de chaque outil pour empêcher des meurtres politiques», a-t-elle ajouté.
Elle estime que l’élargissement des crimes passibles de la peine capitale est une «menace directe» visant les opposants au régime d’Alexandre Loukachenko et ceux qui s’opposent à l’offensive en Ukraine de la Russie.
(AFP/Blick)