Ce n'était pas une grande surprise, mais l'annonce a tout de même eu l'effet d'un coup de théâtre: plus de deux ans après le début de l'invasion en Ukraine, le chef du Kremlin Vladimir Poutine a limogé son ministre de la Défense et proche confident Sergueï Choïgou dimanche 12 mai.
Le successeur du politique expulsé est déjà connu: il s'agit de l'actuel vice-chef du gouvernement Andreï Beloousov, comme l'a annoncé dimanche soir la chambre haute du Parlement russe. C'est là que sont parvenues les propositions de Poutine pour la composition du nouveau gouvernement russe.
Sergueï Choïgou devrait désormais prendre le poste de secrétaire du Conseil de sécurité nationale, occupé jusqu'à présent par Nikolaï Patrouchev. La nouvelle affectation de ce dernier sera communiquée prochainement, a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Sergueï Lavrov reste en poste
La formation d'un nouveau gouvernement est donc à l'ordre du jour au Kremlin, l'ancien ayant démissionné après les élections présidentielles de la mi-mars, conformément à la Constitution. Lors de ce scrutin entaché d'accusations de fraude et de manipulation, Poutine s'était fait proclamer grand vainqueur du scrutin. Il y a quelques jours, il a prêté officiellement serment pour son cinquième mandat.
D'autres changements ont été mis en place au nouveau gouvernement, mais aucun d'entre eux n'est aussi important que le remplacement de Sergueï Choïgou. Poutine maintient le Premier ministre Mikhaïl Michoustine, tout comme le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, âgé de 74 ans. Son remplacement avait fait l'objet de spéculations, mais il conserve finalement son poste après 20 ans en service.
Un civil à la tête du ministère de la Défense
Aucune raison officielle n'a été communiquée pour expliquer le limogeage de Sergueï Choïgou. Des hypothèses isolées faisaient toutefois état d'un tel scénario à l'encontre de l'homme de 68 ans, qui était à son poste depuis 2012. Il y a quelques semaines, l'un de ses adjoints Timour Ivanov a été arrêté pour des accusations de corruption. Les experts y avaient vu un signe de luttes de pouvoir au sein de l'appareil militaire et sécuritaire russe.
Le chef d'état-major général Valeri Guerassimov reste quant à lui à son poste, a souligné le porte-parole russe. La composante militaire du ministère de la Défense reste inchangée, même après la nomination d'Andreï Beloousov.
«Sans aucun doute le meilleur candidat»
«Aujourd'hui, celui qui gagne sur le champ de bataille est celui qui est plus ouvert aux innovations et à leur mise en œuvre», a déclaré le porte-parole du Kremlin pour expliquer la décision de Poutine de nommer un civil à la tête du ministère de la Défense.
Andreï Beloousov n'est pas seulement un fonctionnaire civil: il a également travaillé brillamment pendant de nombreuses années dans le domaine politique et a conseillé Poutine sur des questions économiques. Il est «sans aucun doute le meilleur candidat» pour développer le complexe de l'industrie de défense russe et introduire de nouvelles technologies, a déclaré le député à la Douma d'État Sergueï Gavrilov, cité par l'agence de presse russe Tass.
Pour certains experts, la nomination d'Andreï Beloussov comme successeur de Sergueï Choïgou indique en outre que Poutine veut avant tout gagner la guerre grâce à la production dans les entreprises d'armement. «Dans sa façon de penser, c'est logique, car le bloc économique s'est avéré plus efficace dans la guerre que l'appareil sécuritaire et militaire», a déclaré le journaliste russe Alexander Baunov. La stratégie de Poutine est donc d'exercer une pression sur l'Ukraine non pas en mobilisant de nouveaux soldats, mais en utilisant les capacités du complexe militaire.
Le licenciement de Choïgou, un signe pour l'opinion publique russe
Le porte-parole du Kremlin a également précisé que les dépenses de défense en Russie étaient désormais si élevées que quelqu'un comme Andreï Beloussov était l'homme à même de contrôler le secteur. Le ministère de la Défense occupe désormais une position clé dans les dépenses de sécurité de la Russie, a déclaré Dmitri Peskov. «Cela nécessite des décisions particulièrement importantes.»
Selon le président lituanien Gitanas Nauseda, le licenciement de Choïgou vise à donner un signe à l'opinion publique russe. «Cela se fait pour le marché intérieur. C'est pour pouvoir continuer cette guerre. Ne nous faisons pas d'illusions: Poutine est prêt à des négociations pacifiques», a déclaré le chef d'Etat de ce pays balte membre de l'UE et de l'OTAN dans la nuit de dimanche à lundi à Vilnius, selon les médias lituaniens.
(SDA)
