Le bilan du sommet
Pourquoi Poutine est l'ennemi n°1 de l'OTAN

Qui est le responsable de la crise énergétique, alimentaire et économique mondiale? «La Russie, la Russie, la Russie» a martelé le président américain Joe Biden en clôture du sommet de l'OTAN à Madrid, jeudi 30 juin.
Publié: 30.06.2022 à 19:56 heures
L’OTAN est redevenue une alliance anti-russe, dont l’objectif prioritaire est aujourd’hui de contrer ce pays «qui constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euroatlantique».
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un sommet est souvent une suite de déclarations, préparées très à l’avance. Aucune surprise n’était donc à attendre du sommet de l’OTAN, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui s’est achevé à Madrid ce jeudi 30 juin. La Suède et la Finlande, qui ont choisi d’abandonner leur neutralité pour intégrer l’Alliance, ont été acceptées. La Turquie, qui exigeait de ces deux nouveaux venus des concessions sur l’accueil des réfugiés kurdes, a obtenu des promesses et levé son véto à leur adhésion. Alors? Pas si vite. Trois pays ont été au cœur de toutes les discussions: l’Ukraine, la Russie et la Chine. Voici ce qu’il faut retenir.

L’Ukraine: des larmes, des promesses et des armes

Si les promesses engagent vraiment ceux qui les font, les trente pays membres de l’OTAN (bientôt 32 avec la Finlande et la Suède) sont désormais indissociables du destin de l’Ukraine, à laquelle l’Alliance refuse toujours de fermer officiellement la porte. Le «patron» de la plus puissante coalition militaire au monde, le président américain Joe Biden, l’a réaffirmé: «Cette guerre ne se terminera pas par une victoire de la Russie en Ukraine.» Et tous les dirigeants de l’Alliance ont entonné un refrain identique: leur soutien à ce pays assiégé durera «ce qu’il faudra», avec pour objectif, au fil des combats, de «reconstruire l’armée ukrainienne» et de la doter des armes lourdes indispensables pour s’opposer à l’armée russe. Pas question, en revanche, d’envoyer des troupes au sol.

Les larmes étaient au rendez-vous. Dans son intervention à distance au sommet de Madrid, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a insisté sur les destructions massives commises par les bombes et les missiles russes. Présents sur place, les deux frères Vitali et Wladimir Klitschko ont ému l’assistance en parlant de leur mère qui est russe, et qui reste en Ukraine au péril de sa vie. Ceux qui pariaient sur un moment de pragmatisme de l’OTAN, voire sur une reculade de l’Alliance se sont trompés. «Nous allons tout faire pour que l’Ukraine ne soit pas battue», a répété Joe Biden. Reste trois sujets: la future reconstruction du pays dont va débattre la conférence de Lugano les 4 et 5 juillet; les capacités réelles de l’armée ukrainienne et les pertes humaines. A ce jour, l’Ukraine et l’OTAN partagent un destin commun même si ce pays n’est pas membre de l’Alliance et que, comme l’a rappelé le président français Macron, «l’article 5 d’assistance mutuelle ne s’applique pas».

La Russie: la menace la plus importante et directe pour l’Occident

Ce n’est plus une guerre froide, version Etats-Unis – URSS. Ce n’est pas une guerre ouverte. Mais c’est un duel de la plus haute intensité qui peut à tout moment dégénérer. L’OTAN est redevenue une alliance anti-russe, dont l’objectif prioritaire est aujourd’hui de contrer ce pays «qui constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euroatlantique». Preuve que cette confrontation peut se transformer en brasier, le président français a rappelé, lors de sa conférence de presse, que «l’OTAN est aussi une alliance nucléaire». En termes plus simples, l’ennemi numéro un des 30 chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres de l’Alliance se nomme Vladimir Poutine.

Cette posture est très risquée. Elle s’annonce aussi très coûteuse, vu les engagements des pays membres à dépenser plus pour leur défense, et le plan de l’OTAN de constituer une force de réaction rapide de 300’000 soldats au lieu de 40’000. Elle prive aussi les Européens d’une autonomie stratégique réelle par rapport aux Etats-Unis, même si les Alliés s’en défendent et si la déclaration finale reconnaît que «l’OTAN et l’UE jouent des rôles complémentaires, cohérents et qui se renforcent mutuellement pour soutenir la paix et la sécurité internationale […] car la valeur d’une défense européenne plus forte et plus performante contribue positivement à la sécurité transatlantique et mondiale et qui est complémentaire de l’OTAN et interopérable avec elle».

Le prochain sommet est en soi déjà un programme: il aura lieu en 2023 en Lituanie, plus près encore de la menace russe.

La Chine: l’énigme, l’inquiétude et les défis

«La Chine affiche des ambitions et mène des politiques coercitives qui vont à l’encontre de nos intérêts, de notre sécurité et de nos valeurs. Les Alliés uniront leurs efforts afin de répondre aux défis systémiques que la Chine fait peser sur la sécurité euroatlantique, tout en demeurant disposés à agir avec elle de façon constructive pour parvenir à une plus grande transparence mutuelle.» Cette phrase tirée du nouveau concept stratégique 2022 adopté par l’OTAN a tout d’un avertissement assuré d’irriter les Chinois, marché naturel pour les matières premières russes. Pour l’OTAN, l’axe Moscou-Pékin existe d’ailleurs bel et bien. La preuve, cette autre phrase du concept stratégique: «La Russie et la Chine établissent actuellement un partenariat stratégique et sont le fer de lance d’une offensive autoritaire menée contre l’ordre international fondé sur des règles.»

La question, dès lors, est de savoir si la plus puissante coalition militaire mondiale a les moyens de ses affirmations. D’autant que d’importants pays émergents, comme l’Inde ou l’Indonésie (où se réunira le sommet du G20 les 15 et 16 novembre, a priori en présence de Vladimir Poutine) affichent leur colère devant cette guerre en Ukraine qu’ils considèrent comme un «conflit européen». L’OTAN ne se cache plus d’avoir peur de la Russie et de la Chine. Problème: dans la vraie vie, la peur est rarement bonne conseillère.


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