Les Bourses mondiales ne sont pas le thermomètre parfait des crises internationales. Il faut le redire: leurs chutes brutales et leurs remontées tout aussi rapides ne sont pas le reflet des menaces réelles qui pèsent sur l’économie mondiale. La plupart du temps, les investisseurs anticipent. Or, voici les menaces et les peurs qui les préoccupent aujourd’hui, à l’heure où la fièvre olympique occupe les écrans mondiaux.
Des crises majeures, pas de solutions
Les investisseurs détestent les situations dont on ne sait pas comment sortir. Or, au moins trois crises actuelles sont, pour l’heure, sans solution. Avec, chacune, un très fort impact sur l’économie mondiale compte tenu des protagonistes. La première crise est celle de Gaza, où l’armée israélienne va continuer son travail de destruction et de traque des dirigeants du Hamas. Vu du monde, c’est un conflit très local. Mais il implique toutes les puissances régionales, et il risque à nouveau d’enflammer les campus universitaires occidentaux à la rentrée.
La seconde crise est celle du Moyen-Orient, bien sûr engendrée par l’assaut terroriste du 7 octobre contre Israël et la riposte de l’État hébreu. Le Liban est dans la ligne de mire des Israéliens qui rêvent maintenant d’éliminer le Hezbollah chiite pro-iranien. Tout le monde s’attend, par ailleurs, à une réplique très forte de l’Iran après l’assassinat à Téhéran du chef politique du Hamas Ismaël Haniyeh. Or qui dit Iran dit terrorisme, pétrole, alliance avec la Russie…
Troisième crise: l’Ukraine. On commence enfin à parler de diplomatie, mais l’arrivée des F16 pour l’armée ukrainienne risque de relancer le débat sur les frappes en profondeur, et de conduire la Russie à accroître sa pression militaire.
Des États-Unis transformés, toujours fracturés
Disons-le clairement: qui peut croire que Donald Trump acceptera sa défaite le 5 novembre, s’il devait être battu par l’actuelle vice-présidente Kamala Harris? Attention: l’ancien locataire de la Maison-Blanche est loin, très loin, de partir perdant dans cette élection présidentielle transformée par le retrait de Joe Biden. Mais derrière la «Kamala mania» se cachent beaucoup de questions: la candidate démocrate a, comme procureure de Californie, plusieurs fois fait condamner des firmes de la Silicon Valley. Elle est aussi perçue comme très progressiste par les milieux d’affaires les plus conservateurs, qui redoutent des hausses d'impôts. Cela, sur fond de ralentissement de l’économie américaine.
C’est la publication d’un taux de chômage en hausse et de créations d’emplois en baisse aux États-Unis qui a fait plonger les marchés dans le rouge. Le paradis des investisseurs qu’était jusque-là l’intelligence artificielle, avec des firmes comme Nvidia, voit aussi de nombreux nuages s’installer. Une hyperpuissance mondiale fracturée dans un monde déstabilisé: le pire des scénarios.
Une Chine essoufflée, incapable de rassurer
La Chine est essoufflée sur le plan économique. Et elle ne parvient pas à surmonter ses difficultés. L’année lunaire du Dragon de bois qui s’est ouverte le 10 février a beau être supposée apporter croissance, progrès et abondance, rien de tout cela ne s’est concrétisé. La stagnation-déflation tétanise le géant chinois et l’équipe au pouvoir sous la direction du président Xi Jinping inquiète ses partenaires occidentaux plutôt qu’elle ne les rassure.
Lisez plutôt ce constat de l’universitaire français Christophe Stener, publié dans «La Tribune»: «Tous les indicateurs sont au rouge. Après un rebond post-Covid de 18% au premier trimestre 2021, la croissance, dès 2022, s’est essoufflée, tombant à 3%, montrant la fragilité d’une reprise qui n’était que le rattrapage immédiat d’une économie mise à l’arrêt par une politique de zéro-Covid obstinée. Le Fonds Monétaire International envisage une croissance chinoise de 4,6% seulement en 2024 pour décliner jusqu’à 3,8% en 2028. 1 jeune sur 5 est au chômage. Une partie des 295 millions de travailleurs migrants retourne à la campagne.»
L’intelligence artificielle, un faux miracle
Les géants de l’Intelligence artificielle (IA) restent de solides placements. La capitalisation boursière de Nvidia, l’une des firmes les plus performantes en matière d’IA, a dépassé en juin les 3400 milliards de dollars. Sauf que derrière cette spéculation, une autre réalité apparaît de plus en plus: la destruction massive d’emplois qui se profile. La création des algorithmes indispensables au fonctionnement ChatGPT ou Midjourney nécessite des quantités colossales de données, analysées par des humains.
Or ces «petites mains» de l’IA, qui agrègent les données et les corrigent surtout, sont payées des salaires de misère. 21'000 shillings kenyans par mois (environ 150 euros) pour les employés Kenyans, selon l’ONU. Entre 1,50 et 3 dollars par «tâche» aux Philippines, autre pays anglophone très prisé par les firmes en question. «On n’est pas du tout en train de créer des programmes qui se passent de l’humain, résume Antonio Casilli, professeur à l’Institut polytechnique de Paris, interrogé par France Info. L’IA demande une quantité de travail humain énorme et absolument indispensable, dans toute la chaîne de production.» Or, ce nouveau prolétariat numérique mondial voit son revenu structurellement baisser, pas augmenter.
L’effet bitcoin, otage des conflits
Les cryptomonnaies sont un refuge pour les investisseurs lorsque les marchés boursiers traditionnels sont ébranlés. Sauf qu’une autre guerre bat son plein: celle que les gouvernements occidentaux et leurs alliés mènent contre le bitcoin et ses avatars, pour empêcher que ces monnaies numériques soient utilisées pour échapper aux sanctions commerciales.
Le fait que le Parlement russe a adopté, le 30 juillet, deux projets de loi en lien avec les cryptomonnaies (le premier légalise le «minage» et le deuxième autorise, sous conditions, les paiements à des entreprises étrangères sous la forme de cryptoactifs) a immédiatement retenti comme un signal d’alarme aux États-Unis et auprès de la task force européenne chargée des sanctions contre Moscou.
Pour rappel: les sanctions, notamment européennes, interdisent déjà aux sociétés d’accepter les paiements en cryptomonnaies s’ils sont liés à des entreprises du «complexe d’industrie et de défense russe». La Chine, qui se sait surveillée et qui redoute la fuite massive de capitaux, continue d’en prohiber l’utilisation. Les opportunités sont, par conséquent, de moins en moins nombreuses (ou de plus en plus risquées) pour les investisseurs.