Pierrette Berchier travaille à l'administration de la ville de Fribourg. Les salaires n'y ont pas été adaptés une seule fois au cours de ces dix dernières années. Or, «les salaires réellement perçus par les gens ont massivement baissé», explique-t-elle: ils ne sont plus adaptés au coût de la vie, qui ne cesse d'augmenter.
L'inflation, Pierrette la ressent à travers le prix de son loyer, de ses achats et lorsqu'elle fait le plein. Et tout particulièrement lorsqu'elle se déplace avec ses cinq petits-enfants. «Une séance de cinéma en famille nous coûte pas moins de 130 francs, constate-t-elle. Ce n'est plus possible! Nous demandons une augmentation de salaire de 2%.» Avec ses collègues, la fonctionnaire a déposé une pétition auprès de l'administration.
L'inflation enflamme les prix
Même si Pierrette Berchier obtient son augmentation, elle risque de courir après le train encore un bon moment. Car l'inflation, quant à elle, va de toute façon monter en flèche. En mai, elle était déjà de 2,9%, la guerre en Ukraine faisant grimper les prix. Ce sont surtout les produits importés qui renchérissent, en particulier le mazout et l'essence. L'Union syndicale suisse (USS) s'attend à un renchérissement de 2,7% pour 2022.
Les Confédérés devront donc se serrer la ceinture, surtout les employés aux salaires bas et moyens. Ceux-là même qui ont déjà été massivement pénalisés ces dernières années, puis précarisés par la pandémie. Les salaires ne cessent en réalité de diminuer de façon remarquablement linéaire depuis des années, révèle l'USS à Blick.
Pendant ce temps, les riches gagnent plus
Les nouveaux calculs de l'Union le montrent: depuis 2016, les 10% de salariés les moins bien payés du pays ont perdu 60 francs par mois en termes de pouvoir d'achat réel. Cela représente une baisse de 1,3%. Les revenus moyens enregistrent quant à eux une perte de 30 francs par mois. Surprise: les hauts salaires ont en revanche continué à augmenter, jusqu'à 8,9%.
Ça pique? Ce n'est pourtant pas tout. Pour les revenus normaux, en l'absence d'augmentation de salaire, une famille moyenne perd environ 2200 francs de pouvoir d'achat par an. Si l'on ajoute à cela le choc des primes d'assurance-maladie, cela représente jusqu'à 3300 francs. «Les bas et moyens revenus risquent de perdre énormément», déclare Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS.
Les retraités aussi touchés
Les retraités seront également touchés par la crise: «Lors de l'adaptation de l'AVS, début 2023, le renchérissement ne sera pas compensé si le Conseil fédéral ne s'active pas dès maintenant», explique-t-il. À noter que l'AVS 21 signifie également une augmentation de 0,4% de la TVA..
Pour le conseiller national socialiste et président de l'USS Pierre-Yves Maillard, il est clair que «nous devons réduire massivement les primes d'assurance maladie, et ce le plus rapidement possible. Car, dans le pire des cas, les primes augmenteront encore plus».
Pour le politicien, une revalorisation des retraites devrait aussi être à l'ordre du jour. Et «nous devrions au moins veiller à ce que le renchérissement soit compensé à partir de l'année prochaine. Le Conseil fédéral est appelé à agir».
Pas tous égaux
Au premier trimestre 2022, le produit intérieur brut a augmenté de 0,5%. Les estimations commerciales des entreprises restent positives. Le marché du travail est en plein essor. Mais les salaires ne suivent pas. Comment l'expliquer? Simon Wey, économiste en chef de l'Union patronale suisse, analyse: «Il y a certainement une marge de manœuvre dans les branches qui résistent à la crise, comme l'industrie pharmaceutique et le secteur financier.»
Selon lui, des mesures sont également possibles dans le secteur de la construction. «Mais toutes les branches ne peuvent pas compenser le renchérissement. Les entreprises ne peuvent pas simplement répercuter la hausse des prix sur leurs clients, car elles luttent elles-mêmes contre la baisse de leurs marges.»
La droite fait volte-face
Cette discussion doit être menée par les partenaires sociaux, estime la conseillère nationale PLR Regine Sauter. «La politique n'a rien à y faire.» La situation est différente en ce qui concerne les primes d'assurance maladie.
Mais la femme de droite rejette aussi une baisse des primes, pour des raisons d'inflation: «les primes sont l'expression de l'augmentation des coûts de la santé. C'est là que nous devons agir. Tout le reste n'est que lutte contre des symptômes.»
Regine Sauter est également critique à l'égard d'une intervention sur les rentes. «Des extensions de prestations au-delà de l'obligation légale ne sont pas finançables», serine la politicienne, à l'image de son parti.