La gauche change d'avis?
Controverse autour d'un sondage sur la réforme AVS

Selon un récent sondage, une majorité des partisans de gauche seraient d'accord de relever l'âge de retraite des femmes. Il semblerait toutefois que le questionnaire ait été réalisé de manière tout à fait discutable.
Publié: 16.05.2022 à 20:59 heures
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Dernière mise à jour: 17.05.2022 à 09:14 heures
Les syndicats s'élèvent contre la réforme de l'AVS.
Photo: Keystone
Simon Marti

On connaîtrait potentiellement déjà le résultat de la votation «AVS 21». C’est du moins c’est ce que suggère une enquête rendue publique il y a une semaine. Le sondage commandé par les partisans de la réforme AVS a en effet déjà révélé qu’une majorité serait en faveur du projet. Si l’on en croit les résultats du questionnaire, 55% des personnes interrogées l’approuveraient. Un constat qui a de quoi effrayer les référendaires.

Le PS retourne sa veste?

Le sondage réalisé par l’institut Demoscope et financé par le camp du «oui» a même révélé qu’une majorité d’électeurs du PS approuve la réforme dont le but consiste à augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.

Au Parlement, la gauche s’était pourtant engagée contre la réforme. En effet, d’après les socialistes, augmenter l’âge de la retraite des femmes n’aiderait pas à assurer l’équilibre financier de l’AVS. C’est pour cette raison que le PS et les syndicats ont lancé un référendum. À ce titre, les résultats du sondage peuvent donc paraître plutôt surprenants…

La tournure et l’ordre des questions

Même si le vote aura probablement lieu en septembre, il convient de se demander si les résultats de Demoscope sont solides ou non. Force est de constater que la manière dont le sondage a été réalisé donne l’impression que l’objectif était d’obtenir des réponses qui conviennent aux commanditaires et donc au camp du «oui».

La toute première question de l’enquête semble déjà préparer le terrain: «Il y a de plus en plus de personnes âgées en Suisse et l’AVS est un pilier important de la prévoyance vieillesse. Selon vous, quels sont les défis à relever face à l’augmentation de l’espérance de vie?» Il va sans dire que peu de gens doutent que la démographie soit un élément qui influence grandement les assurances sociales.

Les questions suivantes sont tout aussi discutables: «Quel est votre degré de certitude quant au fait que vous recevrez un jour une rente AVS satisfaisante?» Ou encore: «Quelle est votre certitude quant au fait que votre rente AVS ne sera pas réduite en raison d’une situation financière difficile?». Le sondage aborde ensuite le thème de l’âge de la retraite plus bas pour les femmes, en questionnant la pertinence d’une telle situation dans notre monde actuel. Ce n’est qu’alors que la question décisive est posée sur l’accord ou non avec le projet «AVS 21».

Autre sondage, autres résultats

Interrogé à ce sujet, Michael Buess, directeur de Demoscope, reconnaît que «la méthode d’enquête, la structure et la formulation d’un sondage» ont une influence sur son résultat. Toutefois, il certifie que tout a été réalisé de façon éthique: «Nous avons mené notre enquête selon les règles déontologiques en vigueur dans notre association. Notre échantillon, c’est-à-dire le nombre de personnes interrogées, est également suffisamment important». Selon lui, le fait qu’une majorité de sympathisants du PS sondés soit favorable au projet est effectivement «remarquable».

«Remarquable» est un euphémisme. Si la base du PS renonce à suivre la direction du parti sur ce dossier absolument central, c’est pour le moins étonnant. Seulement, les résultats obtenus par Demoscope s’effritent lorsqu’on s’appuie sur une autre enquête réalisée il y a peu.

Pour se préparer à la campagne de votation, l’Union syndicale suisse (USS) avait également commandé un sondage au centre de recherche Sotomo. Les résultats n’étaient pas destinés à être publiés. Il s’agissait plutôt de tester les arguments des partisans et des opposants. Pour ce faire, Sotomo a confronté les personnes interrogées à dix arguments du camp du «oui» et à dix arguments du camp du «non», avant de leur demander ce qu’ils voteraient.

Contrairement au sondage Demoscope, Sotomo note que 48% des sondés rejettent la réforme, 45% l’approuvent et 7% ne se prononcent pas. Plus important encore pour la gauche: 63% des sympathisants du PS interrogés se sont prononcés contre l'«AVS 21».

Une campagne à plusieurs millions

De son côté, Michael Hermann, le créateur de Sotomo, précise qu’il ne serait pas logique de comparer les deux enquêtes: «Il existe différents types de sondages. Ceux qui visent à aborder un thème, et ceux dont le but est d’obtenir un certain résultat afin d’influencer le débat».

Une observation partagée par le comité référendaire. Urban Hodel, co-responsable de la communication à l’Union syndicale suisse, détaille: «Nous n’avons pas fait ce sondage pour pouvoir ensuite l’exploiter médiatiquement. L’USS voulait tester les principaux arguments des deux camps. C’est la seule manière d’analyser ce qui fait pencher la majorité d’un côté ou de l’autre de la balance».

Le communicant ajoute que «malgré une situation de départ serrée, un refus de la retraite à 65 ans pour les femmes est donc possible si nous parvenons à mobiliser la gent féminine ainsi et les personnes à revenu moyen.» Dans le camp inverse, la campagne réalisée par certains employeurs et des banques, qui se chiffre en millions, sera très pointue. «Mais nous sommes préparés. Sinon, nous n’aurions pas récolté trois fois plus de signatures que nécessaire pour le référendum», conclut Urban Hodel.

(Adaptation par Valentina San Martin)

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