Un symbole de la pandémie
L'OFSP ne veut pas tourner la page du fax

L'Office fédéral de la santé publique déclare ne pas pouvoir se passer de son... fax, qui avait défrayé la chronique au début de la pandémie. L'OFSP met ainsi dans l'embarras sa propre cheffe, Anne Lévy, qui avait assuré que ces machines avaient fait leur temps.
Publié: 08.02.2022 à 11:39 heures
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Dernière mise à jour: 08.02.2022 à 15:37 heures
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La directrice de l'OFSP a certainement parlé trop vite. Anne Lévy avait déclaré que l'ère du fax était révolue.
Photo: Museum für Kommunikation / Beat Schweizer
Pascal Tischhauser

La directrice de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a certainement parlé trop vite. Anne Lévy avait de fait déclaré sur Blick TV, dans l'émission «Hier fragt der Chef» du rédacteur en chef Christian Dorer, que l'ère du fax était révolue. Il en avait été question à la suite d'une histoire absurde datant de mars 2020: les médecins et les laboratoires avaient dû transmettre les taux de contagion du coronavirus à l'OFSP... par fax. «Je crois que je rêve encore de cette histoire de fax», avait confié Anne Lévy.

L'Office, comme l'indiquait sa cheffe, a d'ailleurs reçu une demande du Musée de la communication de Berne: ce dernier souhaiterait exposer l'appareil - déjà relégué au rang des reliques vintage de la technologie. Cette perspective réjouit Juri Jaquemet, le conservateur des collections du musée bernois. Il en avait par ailleurs personnellement fait la demande – par fax. Demande à laquelle la direction de l'office aurait répondu positivement. Mais Anne Lévy semble avoir finalement changé d'avis.

Le ministre de la Culture aussi mis à nu

Avec ce fameux fax, le musée serait en mesure d'exposer la personnification même des problèmes de communication à l'ère du Covid-19 – qui est aussi l'un des objets les plus symboliques de l'ère pré-numérique. Selon Juri Jaquemet, «les problèmes liés à l'OFSP et à la transmission de documents via le fax étaient sur toutes les lèvres au début de la pandémie. Peu de pièces d'exposition symboliseraient cela de manière aussi évidente que l'objet lui-même.» Et d'ajouter: «J'ai bien précisé dans notre demande qu'il n'a jamais été question, pour notre musée, de ridiculiser l'OFSP d'une manière ou d'une autre.»

Le ridicule, c'est l'Office lui-même qui s'en est chargé: «Notre ultime fax est encore en service pour pouvoir recevoir des informations de cabinets médicaux qui n'ont pas encore pris le virage numérique. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous passer de cet appareil.»

La demande pour l'appareil est énorme

La porte-parole de l'Office, Katrin Holenstein, rétorque avec humour à Blick: «De très nombreux cabinets médicaux possèdent encore des fax, dont certains sont encore utilisés de manière intensive. Mais peut-être pourrions nous en emprunter.»

Le musée aimerait, bien sûr, pouvoir exposer l'appareil original, celui qui a fait les gros titres de l'OFSP. Il serait par ailleurs très étonnant que ce dernier ne trouve pas, quelque part dans ses nombreuses caves, entrepôts et bureaux, un fax de rechange qui pourrait remplacer l'appareil symbolique de la pandémie. Alors pourquoi l'OFSP se refuse-t-il à céder l'objet?

Un symbole pour la postérité

Juri Jaquemet souligne sa patience. Mais il est étrange que l'OFSP mette autant de temps à réagir, et qu'il ait envoyé une collaboratrice au musée, pendant la pandémie, afin de s'enquérir des projets concernant le fameux fax.

Après la visite de la collaboratrice de l'OFSP, le musée n'a plus eu de nouvelles de l'office fédéral. De quoi attiser la déception de la direction: «Nous apprenons via le Blick que l'Office fédéral ne peut finalement pas se passer de ce fax. Nous le regrettons évidemment beaucoup. Il me semble que l'on rate l'occasion de sauvegarder un symbole de la pandémie pour la postérité.»

«Monsieur Covid» montre l'exemple

Un ancien collaborateur de l'OFSP fait toutefois preuve de plus de sensibilité culturelle: le musée possède déjà trois cravates de l'ancien «Monsieur Covid-19», Daniel Koch. «Vous trouverez également chez nous une affiche sur les mesures Covid en vigueur dans les bureaux de poste», explique le conservateur.

Parmi ses trésors, il compte également un casque de chantier avec visière en plexiglas intégrée – celui avec lequel les collaborateurs de Swisscom/Cablex se protégeaient au début de la pandémie. Le casque montre à quel point on en savait peu, à l'époque, sur la propagation du virus. Le musée offre également une collection de tweets et de mèmes caractéristiques de la pandémie. «Mais le fax de l'OFSP aurait bien sûr été la cerise sur le gâteau», soupire Juri Jaquemet.

Il est bien possible que des tweets et des mèmes concernant cette affaire de fax ne remplacent finalement ce dernier sur les murs du lieux culturel.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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