Les avoirs de l'Etat russe et d'organismes proches gelés dans le cadre des sanctions doivent pouvoir être versés comme réparations à l'Ukraine. Le Conseil des Etats a adopté jeudi, par 21 voix contre 19 et 3 abstentions, une série de motions similaires du National. Les cinq motions, issues de tous les groupes politiques sauf l'UDC, stipulent que les avoirs gelés de l'Etat russe et d'organismes proches doivent pouvoir être versés comme réparations à l'Ukraine. Le Conseil fédéral doit prendre des mesures en vue de l'élaboration des bases légales nécessaires au niveau international.
Le gouvernement est favorable aux textes. «Les faits sont très clairs: la Russie a gravement violé le droit international, elle doit donc réparer les dommages causés», a déclaré le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis. Des réflexions sur l'instauration d'un registre des dommages subis par l'Ukraine en raison de l'agression russe ainsi que d'un mécanisme international d'indemnisation sont actuellement activement poursuivies sur le plan international. La possibilité de confisquer les réserves monétaires de la Banque nationale russe et d'autres bien de l'Etat russe afin d'indemniser l'Ukraine fait également l'objet de débats au niveau international.
Un signal pour «aller de l'avant», estime Ignazio Cassis
Comme des travaux sont déjà en cours, les motions sont inutiles, a estimé Pirmin Schwander (UDC/SZ) pour la commission. Les motions ne sont pas nécessaires, mais cela donne le signal d'aller de l'avant, a répondu M. Cassis. Il s'agirait d'un signe, de montrer que les deux Chambres et le Conseil fédéral veulent la même chose, a appuyé Andrea Caroni (PLR/AR). Les motions ont une dimension politique, selon Andrea Gmür-Schönenberger (Centre/LU).
Beat Rieder (Centre/VS) a au contraire trouvé qu'il faut voir les textes sous un angle juridique et non moral ou politique. Il faut agir sagement et non en suivant ses émotions, a soutenu Daniel Jositsch (PS/ZH). «Ce n'est pas que je ne veuille pas aider l'Ukraine, mais il faut rester prudent», a poursuivi le Zurichois. Le Conseil fédéral est déjà prudent, a rétorqué Ignazio Cassis. La Suisse prend part aux efforts internationaux avec son savoir, ses compétences, son histoire, ses traditions et en tenant compte de son droit interne.
Le respect du droit international au centre des débats
Les sénateurs se sont divisés sur l'interprétation du respect du droit international, ainsi que sur la réputation de la Suisse à cet égard. La guerre d'agression russe viole ce droit international, a argué Andrea Caroni. Le Conseil fédéral doit s'engager pour réparer le droit à la paix de l'Ukraine. En deux ans, la guerre d'agression russe a causé la mort de plus de 10'000 civils, blessé plus de 20'000 et causé des dommages matériels évalués à quelque 152 milliards de dollars, a ajouté Carlo Sommaruga (PS/GE). La Russie doit assumer les conséquences et payer les réparations. «Ce n'est pas normal que cela revienne aux contribuables des pays occidentaux de payer.»
Les biens des Etats sont en principe protégés par l'immunité de l'Etat, garantie par le droit international, a opposé Pirmin Schwander. «Les bons sentiments risquent de mener à l'aveuglement», a complété Mauro Poggia (MCG/GE). Et d'estimer que la Suisse ne doit pas être «le porte-drapeau d'une action internationale active qui signifierait une renonciation progressive de sa neutralité». Une neutralité qui représente l'image que la Suisse donne au monde entier.
Beat Rieder s'est encore dit mal à l'aise. «Le principe de l'immunité de l'Etat est un des plus anciens dans le droit international.» Franziska Roth (PS/SO) a rétorqué qu'elle se sentirait mal à l'aise si la Suisse n'en fait pas assez alors qu'une guerre se déroule en Europe. A part l'UDC, tous les partis étaient divisés.
(ATS)