Le slogan est brandi à chaque manifestation organisée par la gauche: «Macron démission» ou «Macron destitution». C’est dans ce climat que le nouveau gouvernement français a été finalement annoncé samedi soir 21 septembre, au palais présidentiel de l’Élysée. 39 ministres. Le résultat d’arrangements entre partis de droite et du centre-droit, alors que ceux-ci étaient les perdants des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Sur fond de budget impossible, tant les échéances financières à venir s’annoncent compliquées pour la France. Michel Barnier, nouveau Premier ministre nommé le 5 septembre, peut-il tenir?
A lire sur le gouvernement
D’abord un étonnement, vu de l’étranger. 39 ministres et secrétaires d’État! Un gouvernement français de nouveau pléthorique, alors que la période exige la rigueur et que les partis à satisfaire ne sont pas nombreux. Quatre formations politiques ont accepté de participer au nouveau cabinet dirigé par le conservateur Michel Barnier, 73 ans: le parti Renaissance du président Macron, Horizons de l’ancien Premier ministre de droite Édouard Philippe, Le Modem centriste de François Bayrou et Les Républicains, le parti de droite dirigé par Laurent Wauquiez.
Pas de gouvernement restreint
Un gouvernement restreint, frugal, d’une vingtaine de ministres, avec pour priorité de faire fonctionner l’État en période annoncée d’austérité, aurait été vu comme la preuve d’une prise de conscience des difficultés à venir. Mais non! Michel Barnier a dû satisfaire beaucoup d’appétits. Résultats: 39 ministres et une seule tête d’affiche: le très droitier Bruno Retailleau nommé ministre de l’Intérieur alors qu’il a toujours cloué Emmanuel Macron au pilori. Le premier conseil des ministres, ce lundi à 15 heures, sera un drôle de face-à-face.
Déni de démocratie
Ensuite une épreuve politique: ce gouvernement ne représente pas les suffrages sortis des urnes lors des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Il y a eu deux vainqueurs dans l’isoloir. Le premier est le Rassemblement national (droite nationale populiste), sorti de nouveau premier parti de France avec 126 députés (plus 17 députés alliés), premier groupe de l’Assemblée. Or le RN est rejeté dans l’opposition, puisque Emmanuel Macron a exclu de travailler avec cette formation.
Deuxième vainqueur: le bloc de gauche du «Nouveau Front Populaire». Il dispose de 193 députés répartis entre La France Insoumise, les socialistes, les communistes et les écologistes. Ce bloc a gagné de justesse le scrutin. Il est arrivé en tête. Mais niet: Macron ne lui a pas proposé de former le gouvernement. Sa candidate pour le poste de Premier ministre Lucie Castets a été écartée. Résultat: le gouvernement Barnier est pilonné pour «déni de démocratie».
Himalaya budgétaire
Enfin un Himalaya économique et budgétaire à gravir. Le Premier ministre Michel Barnier, savoyard, a d’ailleurs agi en premier de cordée, prêt à cette difficile ascension. Il a rattaché directement à ses services le nouveau ministre délégué au budget et aux comptes publics Laurent Saint-Martin. Le signal est clair: l’urgence sera budgétaire, au vu du déficit public de 5,6% (certains parlent de 6%) annoncé pour 2024, et de la dette record de 3100 milliards d’euros, soit 113% du produit intérieur brut. Sous la présidence d’Emmanuel Macron depuis 2017, la dette s’est creusée de près de mille milliards. 240 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie au nom du «Quoi qu’il en coûte» lors de la pandémie de Covid-19. Il faut maintenant renverser la vapeur. Ce qui devrait couper sous le pied toute possibilité de réforme dispendieuse. Sauf que les services publics continuent de se dégrader et qu’une majorité de Français réclament plus de pouvoir d’achat. Et déjà, la perspective d’une hausse d’impôts se profile…
A lire sur la France
Possible de tenir dans ces conditions: oui, tant que les oppositions de droite et de gauche n’auront pas décidé d’unir leurs votes dans une motion de censure qui, si elle obtient la majorité absolue de 289 députés sur 577, signera immédiatement la fin de ce gouvernement. Oui, tant que Michel Barnier réussira à conserver sa «base parlementaire» de droite et de centre-droit, ce qui devrait se compliquer à partir de la fin 2025, lorsque la perspective de l’élection présidentielle de mai 2027 approchera.
Pas tenable pour le RN et LFI
Sans surprise, deux forces politiques ne croient pas que cela soit tenable: Le RN de Marine Le Pen et LFI de Jean-Luc Mélenchon. Le parti national populiste réclame ouvertement de nouvelles élections, dès qu’une dissolution de l’Assemblée nationale sera de nouveau constitutionnellement possible à partir de juillet 2025. Le parti de gauche radicale a déposé une motion de destitution contre le président de la République. Laquelle n’a pas de chance d’aboutir mais sonne le tocsin d’un possible départ anticipé d’Emmanuel Macron.
Alors, Barnier capable de tenir ou pas dans ce fleuve politique impétueux qu’est la France de 2024? On prend les paris?