La France fabrique des riches. Et en grand nombre! La preuve: c’est une banque suisse qui le dit et l’écrit. Publié mardi 15 août, le «Global Wealth Report» d’UBS a, en théorie, de quoi ravir un pays où la dette publique atteint les trois mille milliards d’euros, et où le moral de la population reste toujours orienté à la baisse, selon un sondage réalisé début 2023 par le quotidien économique Les Échos.
Sauf que voir la France occuper la troisième place mondiale pour le nombre de millionnaires, comme l’estime UBS, est une arme de frustration et de colère sociale massive dans une République où l’égalité semble toujours devancer la liberté et la fraternité de la devise nationale.
Trois millions de millionnaires «Made in France»
Les chiffres d’UBS: près de trois millions de millionnaires français! Et, surtout, une tendance qui demeure à la hausse alors que le train mondial des riches patine de plus en plus. Selon la banque suisse, la fortune privée nette totale a chuté de 11'300 milliards de dollars en 2022, pour atteindre 454'400 milliards de dollars en fin d’année. La richesse par adulte a également reculé de 3198 dollars (-3,6%), atteignant 84'718 dollars par adulte.
Mais en France, la tendance est inverse, du moins pour le nombre d’individus fortunés. Avec 2,8 millions de millionnaires, chiffre en augmentation depuis 2021, voici le pays de Voltaire propulsé devant le Japon, à la troisième place mondiale. Loin, néanmoins, devant la Chine, qui en compte 6,3 millions, et les États-Unis, au sommet avec 22,7 millions. Deux pays, rappelons-le, dont la population est bien plus importante.
Moins de 100 euros par mois
Le problème est que cette machine à enrichir une minorité de Français grippe le pays qui s’apprête à retourner au travail après des vacances estivales marquées par les difficultés financières des classes populaires et moyennes.
On résume: quand UBS annonce la prolifération des riches, le pays, lui, vit au rythme du manque à gagner et du manque à dépenser. Début 2023, 56% des Français admettaient connaître des difficultés financières qu’ils n’étaient «que» 49% un an plus tôt. Une complainte partagée par 65% des personnes touchant moins de 2000 euros par mois.
Toutes les enquêtes d’opinion se rejoignent aussi sur un autre chiffre: environ un tiers des Français déclarent qu’il leur reste en général moins de 100 euros sur leur compte en banque en fin de mois. Le ressentiment contre un pays perçu comme de plus en plus inégalitaire est en outre d’autant plus vif que, selon une étude de la Fondation Jean Jaurès, 60% des Français ne sont pas partis du tout en vacances ces cinq dernières années. 11% auraient même dit à leur entourage qu’ils étaient partis en vacances alors que ce n’était pas le cas.
La polémique provoquée par «The Economist»
On avait vu, à la veille des congés d’été, la polémique provoquée par la «une» de l’hebdomadaire britannique «The Economist» sur la réussite de la France… oubliée par les Français. «Comment un pays à ce point rétif au changement, ayant le goût de la révolte et croulant sous les impôts, parvient-il à tirer si bien son épingle du jeu?
Récemment, la France a même affiché de meilleurs résultats que ses grands partenaires européens. Depuis 2018, la croissance cumulée du PIB en France, quoique modeste, a été le double de celle de l’Allemagne et a dépassé celle de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de l’Espagne» affirmait le journal phare du libéralisme mondialisé. Un motif de satisfaction? Non. Au contraire.
Le rapport des Français à la richesse et au succès économique ne s’est pas amélioré. Il a même empiré, selon le baromètre mensuel de l’économie réalisé par Odoxa pour la chaîne de télévision BFM. Près des trois quarts des personnes interrogées pensent que l’on «n’aime pas les riches en France». Et plus de la moitié (52%) admettent ne pas les aimer eux-mêmes.
Un pays de plus en plus pauvre
Un homme se retrouve naturellement ciblé par ce mécontentement social: le président français Emmanuel Macron. Lequel, dans son premier discours de rentrée prononcé le 17 août à l’occasion d’une cérémonie commémorative de la libération du pays en 1944-1945, a mis l’accent sur la liberté. Cible de la colère: la baisse, depuis son entrée en fonction en 2017, de la taxation revenus sur le patrimoine, avec l’instauration d’une flat tax: un impôt de 30% pour tout le monde et la quasi-suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF) transformé en taxe immobilière. Les contribuables possédant plus de 1,3 million d’euros de patrimoine doivent acquitter ce nouvel impôt.
Mais qu’importe: pour une majorité de la population, l’ISF a disparu! Et les riches sont donc accusés d’accumuler toujours plus de fortune dans un pays de plus en plus endetté, que ses citoyens perçoivent comme étant de plus en plus pauvre.