Emmanuel Macron en rêve. En tout cas, il y pense. Imaginez: sortir de la crise politique actuelle et de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale avec un beau succès référendaire. Quoi de mieux pour un président français, réélu par le peuple le 24 avril 2022 avec 58% des suffrages, qu’un référendum gagné, surtout sur un projet de loi emblématique?
«Le référendum fait toujours partie des options qui peuvent être utilisées et je compte bien y avoir recours», redit le chef de l’État dans son entretien accordé au «Point», en forme de discours programme pour la rentrée. Le référendum, pour espérer aussi renouer avec ces électeurs qui lui échappent: «On n’a pas le droit de trahir la confiance du peuple. Et on n’a pas le droit de rester assis dans un monde qui accélère», poursuit Emmanuel Macron. Donc?
C’est une boutade, voire une anecdote. Mais cette relance de l’idée d’un possible référendum intervient moins de trois mois avant la visite d’État que le locataire de l’Élysée doit effectuer en Suisse les 15 et 16 novembre. L’occasion pour lui, peut-être, d’interroger tous ceux qui, en Helvétie, pratiquent le référendum et les votations à haute dose. Sauf que la théorie, aussi séduisante soit-elle, n’est pas la pratique.
En France, qui dit référendum dit vote-sanction contre le président ou le gouvernement en place. On l’a vu souvent, et de manière éclatante le 27 avril 1969, lorsque 52,41% des électeurs dirent non au projet de réforme du Sénat défendu pourtant par le Général de Gaulle lui-même. Résultat: ce dernier a claqué aussitôt la porte de l’Élysée. Ce qui, depuis, a conforté l’idée qu’un vote populaire ne peut être qu’un plébiscite. Pour ou contre le pouvoir en place.
Qu’en pense Emmanuel Macron? Difficile à dire à la lecture de son entretien au «Point». Seule certitude: l’intéressé rêve d’un bilan qui dépasse sa majorité parlementaire. «Les cycles font qu’on ne retient jamais la trace, qu’elle varie avec le temps. J’aimerais qu’on dise: 'Il nous a rendus plus forts, il nous a rendus plus fiers'. Je voudrais qu’on dise: 'Il s’est battu, même si on n’était pas d’accord avec tout'; 'Il a respecté ses engagements'. Et que l’on retienne ce combat pour rebâtir notre nation, son indépendance, son chemin.»
Un référendum gagné, dans ce contexte, ferait incontestablement la différence. Rappelons que le dernier en date, celui du 29 mai 2005 sur le projet de constitution européenne, fut perdu par le président Jacques Chirac qui s’était, il est vrai, très mollement investi en faveur de ce texte controversé. Bientôt vingt ans sans un vote du peuple! Alors, pourquoi pas le consulter sur la nouvelle (encore) réforme de l’école, dont Macron promet de faire son grand chantier? Ou, même si ce serait explosif dans l’actuel climat politique très radicalisé à droite comme à gauche, sur le projet de loi à venir sur l’asile et l’immigration, le grand chantier du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin?
«Le pays a besoin d’être présidé»
«On ne peut pas être une grande brute qui décide de tout et un type qui ne fait rien. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Notre pays a besoin d’être présidé, les Français attendent cela de moi. Il faut assumer les désaccords, les expliquer. Mais il faut décider», a répété Emmanuel Macron au «Point», en annonçant une prochaine consultation, ces jours-ci, de l’ensemble des forces politiques.
Et d’ajouter: «Ce n’est pas le président ou le candidat qui fait la vie politique, ce sont les Françaises et les Français. On m’a fait beaucoup d’honneur en disant que j’avais fait exploser le système politique. Ce sont les Françaises et les Français qui ont fait exploser le système politique et m’ont mis là comme une créature des événements. La condition pour que les valeurs que je porte perdurent, c’est que les forces républicaines travaillent ensemble.» Bien. Mais alors, comment reconstituer ce «travailler ensemble»?
Un référendum, avec son lot d’explications pédagogiques, pourrait permettre à une partie de la gauche et de la droite de se retrouver, à un éventuel «front républicain» de se constituer contre les extrêmes. C’est à coup sûr ce dont rêve Emmanuel Macron. Mais du rêve à la réalité, ce président qui promettait de «transformer» le pays redoute à l’évidence de franchir le pas. Trop peur des Français.