Merci, Giorgia Meloni! Même si les accusations proférées ce week-end par la présidente du Conseil Italien contre la politique africaine de la France sont plus que discutables, sa colère et le duel désormais engagé avec Emmanuel Macron sont une excellente nouvelle. Pourquoi? Parce que la clarification entre les deux pays était indispensable, après les élections législatives italiennes du 25 septembre qui ont porté au pouvoir la dirigeante du parti national populiste Fratelli d’Italia. Et parce que l’Union européenne a tout à perdre si elle ne parvient pas à arbitrer ce duel entre Paris et Rome sur la question prioritaire des migrants. Idem sur la politique à suivre vis-à-vis des pays situés sur la rive sud de la Méditerranée.
Cet affrontement n’est pas une surprise
Que Giorgia Meloni et Emmanuel Macron s’affrontent n’est pas une surprise. Nouvelle venue sur la scène internationale, la Première ministre italienne a besoin d’une crise pour affirmer son autorité, aussi bien dans la Péninsule qu’à l’étranger. Que le thème choisi pour cette première passe d’armes soit l’immigration, et en particulier l’accueil des navires humanitaires qui sauvent en Méditerranée les migrants en perdition, était aussi très prévisible.
Les solutions européennes mises en place jusque-là ne conviennent ni à Rome, ni à Paris. Le renvoi des migrants d’un pays à l’autre, sans coordination, est juste intenable. L’incapacité européenne à mettre en place une politique commune d’asile modernisée, dotée d’un volet de reconduite stricte aux frontières pour les migrants déboutés, est un boulet qui se transforme un peu plus chaque jour en explosif politique pour l’Union. Une crise n’apporte pas toujours de solutions. Mais cette fois, face à des opinions publiques radicalisées sur ce sujet de l’accueil des migrants, jouer la montre n’est plus possible. Le mérite de ce duel Meloni-Macron est qu’il oblige à regarder en face la réalité.
Oublions Kadhafi et son régime
Or cette réalité est simple. L’heure n’est plus, quoi qu’en dise la dirigeante italienne, aux regrets sur les mérites passés du régime Kadhafi en Libye. Inutile aussi, coté français, d’ignorer la colère à vif des pays les plus exposés aux accostages de navires remplis de migrants, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne. Ce débat sur les migrants ne peut plus être clos par un simple: «N’accueillons pas ces navires» ou «Qu’ils retournent en Afrique!» (pour paraphraser un député du Rassemblement national, exclu temporairement du parlement pour cette phrase lancée devant un député noir). Il faut des solutions durables, mêlant fermeture des frontières et défense des valeurs humanitaires. La construction de «hotspots», ces camps de transit à la périphérie de l’Europe, ne peut plus continuer à être différée.
Retrouvez sur Twitter les accusations de Giorgia Meloni
L’immense tort de Meloni
Giorgia Meloni a en revanche un immense tort: celui de croire que des accords avec des régimes africains autoritaires, comme cela fut le cas avec Mouammar Kadhafi, régleront la question. Le monde a changé. La criminalité organisée, notamment la mafia italienne, a pris le contrôle d’une partie de ces flux migratoires. Les besoins du marché du travail européen sont aussi réels. La guerre en Ukraine, et les déplacements massifs de population qu’elle a entraînés, ont rebattu les cartes. L’influence russe sur le continent noir, au cœur de l’ex-Françafrique (Mali, Centrafrique, Burkina Faso), change aussi profondément la donne.
Un duel sans issue
Arrivés à quelques heures de différence ce lundi à Bali (Indonésie) pour y assister au sommet du G20, les 15 et 16 novembre, Meloni la souverainiste et Macron l’europhile assumé - qui s'est entretenu au téléphone lundi avec le président italien Matarella - n’ont pas d’autre choix que d’unir leurs forces pour imposer, en lien avec leurs voisins de l’espace Schengen et les États de l’UE respectueux de la solidarité communautaire, une solution durable. En période de récession économique annoncée, un duel franco-italien sans issue serait une redoutable défaite des deux côtés des Alpes.