Divorcer, c’est presque toujours s’appauvrir. «Le divorce conduit à une baisse de niveau économique évidente chez chaque membre du couple», souligne Didier Bottge, avocat associé à l'étude Bottge & Associés. «Il implique un sacrifice économique. L’unité du couple sous le même toit éclate, et il faut tout réorganiser.»
Cela comprend des frais de déménagement, de réaménagement, d'ameublement, de voiture supplémentaire, de garde d’enfants ou de camps de vacances en plus, et de transport des jeunes d'un domicile à l'autre. «Si bien que souvent, explique l'avocat genevois, les revenus cumulés des deux ex-conjoints, une fois les charges indispensables déduites, ne suffisent pas à couvrir les besoins dédoublés que le divorce induit.»
Réduire les coûts du divorce, c'est déjà penser à réduire les frais juridiques. Alors qu'un avocat coûte 350 francs de l'heure dans les villes comme Genève, divorcer en ligne s'avère nettement plus avantageux. Le site divorce.ch, fondé par l'avocat Douglas Hornung, capte désormais 5% du marché suisse du divorce aujourd'hui. Ce succès, il le doit au faible coût de procédure: «Sur divorce.ch, le coût fixe est de 550 francs, auxquels s’ajoutent les «droits de greffe» (ndlr: émoluments à payer au Canton pour que le Tribunal s’occupe de votre divorce), et on est divorcés en trois mois», souligne l'avocat entrepreneur.
Facteur de crise du logement
Mais ce sont les suites du divorce en elles-mêmes qui coûtent le plus. Le premier poste évident est le logement. «Dans les villes, le divorce est un facteur essentiel de la crise du logement, estime Didier Bottge. Car les enfants se retrouvent avec une chambre chez un parent et une chambre chez l’autre. Il suffit de penser qu'à Genève par exemple, la moitié des enfants en scolarité, statistiquement, ont des parents divorcés, et disposent donc de deux chambres dans deux appartements différents».
Dans l'un de ces appartements, les enfants ne viendront qu’un week-end sur deux, mais la surface doit être prévue. Dans d'autres situations, les frais augmentent encore lorsqu'après le divorce, les ex-conjoints vivent dans des villes différentes. «Ce sont des cas assez fréquents en réalité, observe Didier Bottge: la mère revient dans son canton d’origine, par exemple Soleure, tandis que le père est à Lausanne. Il peut donc devoir prendre le train et résider à l’hôtel pour voir les enfants.»
Pension: jusqu’à 40% du revenu
Puis s'ajoute le coût de la pension alimentaire, ou «contribution d'entretien», due par le parent non gardien au parent qui a la garde. «Suivant les revenus, pour le mari débiteur, la contribution d'entretien peut lui coûter jusqu’à 30-40% de ses revenus», explique Didier Bottge. À quoi s'ajoute une contribution éventuelle à l'ex-conjoint qui ne travaille pas, du moins jusqu'à ce qu'il ou elle soit en mesure de retravailler.
La jurisprudence exige en effet une réinsertion professionnelle des conjoints qui ne travaillaient pas. Jusque-là, l’ex-mari peut, s’il a trois enfants et une ex-femme sans travail, se voir ponctionner jusqu’aux deux-tiers de son salaire, en additionnant la pension pour les enfants et celle pour l’ex-épouse.
C’est pour les personnes à revenus modestes que l’impact du divorce est potentiellement le plus dévastateur. Celles-ci peuvent se retrouver sur la paille, constate Douglas Hornung. «Ceux qui ne peuvent se payer un loyer supplémentaire et qui arrivaient déjà tout juste à tourner avec deux petits salaires sont les plus affectés par les divorces.» L’avocat a pu voir des cas dans la pratique où, avec la pension alimentaire, «on réduit le père au minimum vital».
Il cite l'exemple d'un père d’un enfant de 4 ans, qui gagne 4'500 francs par mois, et d'une mère qui ne travaillait pas, mais dont la capacité de gain a été estimée à 900 francs. «Résultat judiciaire: le père a dû payer 46% de son salaire en pensions.» Le jugement n'a pas tenu compte de ses arriérés d'impôts, et il ne pouvait matériellement pas s'en sortir. «S'il ne payait pas la pension, il risquait une plainte pénale.»
Précarité des mères divorcées
Mais ce sont encore davantage les mères au foyer qui sont exposées à la précarité. Pour une mère au foyer de 50 ans, qui n'a pas travaillé depuis 25 ans, il est très difficile de retrouver un travail. Dès lors, pour de nombreuses femmes divorcées, la précarité guette. Elles ne peuvent plus s'offrir de loisirs. «Une soirée au cinéma avec deux enfants peut coûter jusqu’à 150 francs en incluant les consommations: les choses simples deviennent inaccessibles», note Didier Bottge. Beaucoup de femmes divorcées en Suisse sont en situation de précarité, observe-t-il. «Les plus précaires sont des mères seules divorcées, confirme Douglas Hornung. Ce sont elles qui sont le plus souvent à l’aide sociale.»
Statistiquement, les tribunaux suisses ne prononcent la garde alternée des enfants que dans 15% des cas. Par conséquent, 85% des décisions attribuent la garde à un parent et un droit de visite à l’autre. Dans l’écrasante majorité des cas, la garde est attribuée à la mère, au motif que tel est l’intérêt de l’enfant, car la mère ne travaille souvent qu’à temps partiel et est donc plus disponible pour l’enfant. Et 84'000 «familles monoparentales» vivent ainsi au seuil de pauvreté en Suisse.
Renoncer à la moitié de ses biens
Pour les conjoints disposant d’une importante épargne, la facture du divorce est douloureuse. La moitié de leurs possessions – revenus, intérêts, biens immobiliers, prévoyance - devra être sacrifiée lors du partage des avoirs. Sous le régime matrimonial standard, chacun cède à l’autre le 50% de ses avoirs de prévoyance des 2ème et 3ème piliers.
Quant à la fortune, elle doit être répartie à parts égales sous le régime de participation aux acquêts. L’épargne bancaire sera également concernée, précise Didier Bottge, de même que les portefeuilles d’actions. Pour la maison en copropriété, «il faut mettre fin à la copropriété, ce qui sera plus simple si l'un des deux a la possibilité de racheter la part de l’autre».
En Suisse, 40 mariages sur 100 finissent par un divorce. Un taux stable sur 20 ans, mais qui a doublé en 50 ans.