Vivre d'amour et d'eau fraîche, c'est valable les premiers mois, et encore. Dans la vie de couple - marié ou non - l'argent est un motif de dispute qui peut conduire tout droit à la séparation. Alors chéri, comment on divise nos frais? Chacun pour sa pomme ou compte commun? Prorata en fonction du salaire ou un bon 50-50? Et les activités extra?
Autant de questions - souvent taboues - qui peuvent rapidement créer des tensions. Blick a récolté trois témoignages où les conflits liés aux finances ont parfois pris des proportions démesurées, allant de simples broutilles quotidiennes aux séparations désastreuses. C'est bien la preuve que l'argent ne fait pas (toujours) le bonheur.
Déséquilibre salarial, une situation risquée
Jean* a 31 ans, tout comme sa copine Sandra*. Tous deux originaires de Fribourg, ils se sont rencontrés en mars 2019. À ce moment-là, la jeune femme venait de quitter son travail et commençait une nouvelle formation dans une université romande. Elle est aujourd'hui en deuxième année de Master. De son côté, Jean est cadre supérieur dans une entreprise en Gruyère.
Autant être clair, le revenu de chacun est drastiquement différent. «Sandra a gardé un petit pourcentage dans son ancien travail. Son revenu lui rapporte 13,5% de mon salaire annuel», relève Jean. À part le loyer, où les deux participent au prorata de leur salaire, la majorité des dépenses sont prises en charge par le jeune homme.
Un déséquilibre qui a encore pris de l'ampleur depuis mai, lorsque la famille s'est agrandie. Là aussi, Jean prend à charge l'intégralité des frais de l'enfant. «Dans les faits, cette situation est plus facile à gérer pour moi que pour elle. Elle culpabilise et vit mal le fait de ne pas être indépendante financièrement.» À force, des tensions se créent et la situation devient pesante. «Même en ce qui concerne l'appartement, les meubles, la décoration, j'ai tout financé. Si on se sépare, c'est simple. Elle peut récupérer ses habits dans l'armoire, le service de cuisine et basta.»
Cette source de conflits récurrente pèse de plus en plus sur leur bien-être. «Dans un couple, il ne devrait pas y avoir de 'rapport de force'. Il ne s'agit pas d'une entreprise, d'un contrat ou d'un collaborateur, mais bien d'un partenaire de vie», affirme Jean. Plus qu'à serrer les dents quelques mois avant que leur situation s'équilibre.
L'emménagement ensemble, une étape cruciale
Dans le cas de Cloé* et Maxime*, qui ont respectivement 26 et 28 ans, les frictions liées à l'argent sont apparues dès le début de leur relation. Leur idylle a duré un peu plus d'un an, au terme de laquelle ils ne parviennaient plus à se mettre d'accord sur la manière de gérer leurs dépenses.
«Dès le début de notre relation, mon copain me parlait sans cesse d'argent, des problèmes financiers qu'il avait eus avec son ex, avec sa famille. Alors que pour moi, ça a toujours été un sujet stressant», souligne Cloé. Baroudeuse dans l'âme, elle aime voyager la moitié de l'année et passer le reste de son temps à travailler d'arrache-pied pour mettre de l'argent de côté. «Quand je suis à la maison, j'économise un maximum, je me fais tout de même plaisir, mais je ne suis pas une dépensière de base.» De son côté, son copain mène une vie plus tranquille.
Si les petits conflits étaient déjà relativement fréquents, ils prennent une autre ampleur l'été suivant, lorsque le couple décide de se mettre en ménage. Une étape de taille pour Cloé qui s'empresse d'obtenir des recommandations auprès de ses amies: «Faites un compte commun et divisez les frais au prorata de vos salaires». Le conseil est simple, la mise en pratique un peu moins...
Tous deux belges et fraîchement salariés, Cloé a un revenu net de 2'000 euros par mois. Maxime, quant à lui, touche 5'000 net. Avec un tel écart, les attentes liées à l'appartement sont nettement différentes. Premier couac. Ils se mettent alors d'accord, chacun contribue au loyer au prorata de son salaire.
Le compte commun, la solution miracle?
Les tourtereaux emménagent donc ensemble, mais rien ne se passe comme prévu. «Dès le début, on a tout divisé par deux et comme mon copain exerce une profession qui l'oblige à s'absenter un mois sur deux, il voulait que j'assume à 100% les charges lorsque j'étais seule. J'ai refusé.» Quant aux meubles, là aussi ça coince. «Il avait la folie des grandeurs: grosse TV écran plat, aspirateur automatique, il est vraiment branché tech alors que ce n'est pas du tout mon cas. Là aussi, j'ai dû négocier pour qu'il achète seul ces gadgets.»
Malgré tout, le déséquilibre s'accentue. Dès la première semaine, ils se crêpent le chignon sur quelles pièces de la maison méritent d'être chauffées, le prix de l'électricité ayant grimpé en flèche. Mais ce n'est pas tout. «Je faisais quasi l'intégralité des courses. Mon compte en banque prenait cher.»
La situation ne pouvait plus durer, Cloé lance donc l'idée du compte commun: chacun met 800 euros par mois afin de payer les courses, les charges et le loyer. «C'était la seule manière d'arrêter nos disputes permanentes et d'avoir une idée claire des dépenses de chacun. Je ressentais beaucoup trop de tensions de mon côté. Ça gâchait ma vie de couple et j'étais en permanence angoissée.»
Dans un premier temps, Maxime accepte puis se rétracte rapidement, jugeant qu'il y avait «trop de contraintes administratives». Une décision qui a mis un terme à leur relation. «L'argent n'était pas notre seule source de conflits, mais il a contribué à mettre en lumière nos visions radicalement différentes et un manque d'engagement et de confiance de sa part. On était ensemble, on vivait ensemble. Comment envisager l'avenir avec une personne qui ne pouvait même pas m'apaiser à ce niveau-là?»
Aujourd'hui, Cloé a retrouvé l'amour. «J’ai encore certains blocages liés à l'argent, mais j'essaie d'en parler au maximum avec mon copain et ce n'est plus du tout un facteur stress comme ça a pu l'être.»
Des surendettements à n'en plus finir
Et puis, il y a des relations où les soucis d'argent prennent une telle ampleur qu'ils finissent par détruire la vie d'une personne. C'est le cas d'Antoine*, 43 ans, aujourd'hui SDF avec des dettes jusqu'au cou. Il a vécu en couple pendant six ans, de 2016 à 2022, avec Nadia*, déjà mère de deux enfants au moment de la rencontre. La famille recomposée s'est encore agrandie en 2018, avec l'arrivée du petit Gabriel*.
«J'aurais dû voir clair dans son jeu dès le début. Quand j'ai connu Nadia, elle était en procédure contre son ex-mari qui l'attaquait pour des raisons financières. J'ai directement supporté toutes ses charges, je ne voulais que ni elle ni ses enfants ne manquent de rien», soulève-t-il. À ce moment-là, Antoine gagne très bien sa vie, 13'000 francs net par mois.
Rapidement, les frais s'accumulent. «Tout à coup, madame a décidé que sa fille de 12 ans devait recevoir de l'argent de poche, 100 francs par mois pour commencer, puis 200, pareil pour son fils, détaille Antoine. Alors qu'elle n'arrivait même pas à payer ses factures.» Puis il est devenu indécent, selon sa compagne, que chaque enfant n'ait pas sa propre chambre. «J'ai donc pris un appartement dans la campagne genevoise, à mon nom seul. L'accord était qu'on divise par deux le loyer, les charges et la place de parc.» Pour ce qui est de la nourriture et des extra, tout était aux frais d'Antoine.
Seulement, à peine l'emménagement terminé, Antoine tombe malade et est arrêté pendant presque deux ans. Comme il cumulait deux emplois - et même si l'assurance perte de gain était retenue sur ses deux salaires - il n'a eu droit qu'à une des deux assurances une fois à l'arrêt. Son revenu chute alors de 13'000 à 7'000 francs. Une de ses sociétés part en faillite et les frais s'accumulent. «Après cet arrêt de deux ans, j'ai touché le chômage. Mais comme j'étais détenteur d'une Sàrl, je n'y avais droit que quatre mois et le montant n'était pas basé sur mes revenus antérieurs, mais sur ma formation. Avec seulement un CFC en poche, je suis descendu à 2'750 francs net par mois.»
Une descente aux enfers
Quatre jours avant la fin de son droit au chômage, Antoine retrouve un emploi et essaie tant bien que mal de rembourser ses dettes et ses poursuites. De son côté, Nadia n'a aucunement changé son rythme de vie. «Elle me demandait sans cesse de l'argent, prétextant qu'elle n'en avait plus assez pour faire les courses. Elle ne travaillait pas et touchait tout de même 4'800 francs par mois de pension alimentaire et d'allocations familiales. Un jour elle a commencé à me dire que c'était mon rôle de l'entretenir: coiffeuse, manucure, shopping. Tout y passait», affirme Antoine.
Au mois de mars 2022, Nadia annonce à Antoine qu'elle n'a plus de sentiment et lui propose de devenir de simples colocataires. Le père de famille accuse le coup et remarque plein de petits détails, peu de temps après, qui finissent par lui mettre la puce à l'oreille. «Le vendredi de Pâques, je vois un ami et lui demande de se créer un profil sur TikTok afin de regarder le compte de mon ex.» Non seulement, elle a quelqu'un dans sa vie, mais l'homme en question passe le plus clair de son temps dans leur domicile. Antoine refuse de rester dans ces conditions, s'en va, mais continue malgré tout de verser la moitié du loyer, «le bail était à mon nom, je n'avais pas le choix.»
Dans l'incapacité d'assumer financièrement un autre logement, Antoine est aujourd'hui sans domicile fixe et toujours criblé de dettes. «J'ai commencé par me cacher et dormir sur mon lieu de travail, mais ça ne pouvait pas durer. Parfois je loge chez des amis. En ce moment, je dors dans ma voiture, garée dans un parking public.» Aujourd'hui, Antoine se bat pour conserver ses droits aux relations avec son fils.
Un des motifs principaux
Ces tournures bouleversantes sont plus fréquentes qu'il n'y paraît. D'après Anaïs Brodard, avocate de droit de la famille et médiatrice FSA, la mauvaise gestion financière du couple, l'infidélité et l'usure constituent les trois principaux critères de séparation, même si aucune statistique en tant que telle n'est tenue sur les motifs de divorce.
Le moment venu, il y a une distinction à faire entre les couples mariés et non mariés. «S'agissant des couples mariés, ces derniers ont droit, durant la séparation, au maintien du train de vie mené durant la vie commune. Pour le concubinage en revanche, chacun doit être en mesure de s'assumer financièrement, sauf en ce qui concerne le déficit du parent gardien qui doit être couvert lorsque ce dernier n'exerce pas une activité à temps complet pour s'occuper de son enfant», souligne l'avocate.
*Prénoms d'emprunt