Numéro trois des Etats-Unis, Mme Pelosi a déclenché la fureur de la Chine avec sa visite mardi et mercredi, la plus importante d'un élu américain à Taïwan en 25 ans. Pékin, qui considère l'île comme l'une de ses provinces, a réagi en suspendant une série de discussions et coopérations bilatérales sino-américaines, notamment sur le changement climatique et la défense.
L'armée chinoise a aussi lancé les plus importants exercices militaires de son histoire, envoyant avions de chasse, navires de guerre et missiles balistiques dans ce que les analystes considèrent comme une simulation de blocus et d'invasion de Taïwan. Dimanche, elle a mené «des exercices pratiques conjoints en mer et dans l'espace aérien entourant l'île de Taïwan, comme prévu», a indiqué le commandement Est de l'armée chinoise, qui chapeaute l'espace maritime oriental du pays - et donc Taïwan. Ces exercices visaient à «tester la puissance de feu conjointe sur le terrain et les capacités de frappe aérienne à longue portée», a-t-il ajouté.
Le ministère taïwanais de la Défense a confirmé que la Chine avait déployé «des avions, des navires et des drones» autour du détroit, «pour simuler des attaques contre l'île principale de Taïwan et contre des bateaux dans nos eaux». Ces vastes manoeuvres devaient s'achever à la mi-journée, même si Pékin compte mener de nouveaux exercices «à tir réel» jusqu'au 15 août dans la mer Jaune, qui sépare la Chine de la péninsule coréenne.
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Six zones revenues à la normale
Le ministère taïwanais des Transports a indiqué qu'à midi, six des sept «zones temporaires de danger» que la Chine avait demandé aux compagnies aériennes d'éviter étaient revenues à la normale, un indice que les exercices touchaient à leur fin. «Les vols et navigations concernés peuvent reprendre progressivement», a-t-il précisé. La septième zone, dans les eaux à l'est de Taïwan, restera à éviter jusqu'à lundi à 10h00 (04h00 en Suisse), selon la même source.
Côté chinois, le ministère de la Défense n'a pas répondu à une demande de confirmation de la fin des manoeuvres. Pour prouver à quel point elle s'était approchée des côtes taïwanaises, l'armée chinoise a publié samedi une photo prise selon elle depuis un de ses navires militaires, où l'on voit un bâtiment de la marine taïwanaise à quelques centaines de mètres seulement. Ce cliché pourrait être le plus proche du littoral taïwanais jamais pris par les forces de Chine continentale.
L'armée chinoise a également publié la vidéo d'un de ses pilotes d'avion de chasse montrant, depuis son cockpit en plein vol, le littoral et les montagnes de Taïwan. Selon la télévision publique chinoise CCTV, des missiles ont survolé Taïwan cette semaine durant les exercices autour de l'île - ce qui constituerait une première.
«De façon barbare»
Côté taïwanais, le Premier ministre Su Tseng-chang, a estimé dimanche que la Chine «utilisait l'action militaire de façon barbare» afin de perturber la paix dans le détroit de Taïwan, qui sépare la Chine contninentale de l'île. «Nous appelons le gouvernement chinois à ne pas brandir sa force militaire, à ne pas montrer ses muscles partout pour mettre en danger la paix de la région», a-t-il dit à la presse. Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a estimé lui que les exercices menacent «la région et même le monde».
Par ailleurs, un éditorial anonyme publié dimanche par CCTV a laissé entendre que d'autres exercices «réguliers» seraient organisés du côté est de la ligne médiane, qui coupe en deux le détroit. Tracée unilatéralement par les Etats-Unis durant la Guerre froide, cette ligne n'a jamais été reconnue par Pékin.
Plusieurs experts ont expliqué à l'AFP que ces exercices servaient d'avertissement: l'armée chinoise semble désormais en mesure de mener un blocus total de l'île et d'empêcher les forces américaines de lui venir en aide. «Dans certains domaines, ses capacités dépassent peut-être même celles des Etats-Unis», note Grant Newsham, ex-officier de la marine américaine et chercheur au Japan Forum for Strategic Studies. Si «les Américains et les Japonais n'interviennent pas, les choses seront très difficiles pour Taïwan», estime-t-il.
L'ampleur des manoeuvres et la décision de Pékin de se retirer de dialogues bilatéraux cruciaux sur le climat et la défense ont déclenché une pluie de condamnations par les Etats-Unis et leurs alliés. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a dénoncé samedi à Manille la «disproportion totale» de la réaction chinoise. La Chine ne devrait pas prendre en «otage» les discussions sur des questions telles que le changement climatique car cela «ne punit pas les Etats-Unis, mais le monde entier», a-t-il ajouté.
(ATS)