Les 300 milliards annuels promis par les pays développés aux pays pauvres menacés par le changement climatique, à atteindre d'ici 2035, sont, selon Manuel Graf, responsable politique du WWF Suisse, «totalement insuffisants».
Pour lui, «rien d'étonnant. A Berne par exemple, aucune discussion n'a eu lieu en amont de la conférence sur le climat sur la manière dont la Suisse pourrait apporter sa juste part à un nouvel objectif financier. Au lieu de cela, les commissions des finances négocient le budget pour 2025 afin de respecter le frein à l'endettement», relève-t-il.
La question de l'énergie fossile est aussi restée en suspens. «Il n'a guère été possible de progresser sur son abandon», souligne M. Graf. La Suisse s'était engagée en faveur d'une feuille de route claire, mais elle a été freinée, notamment par les pays producteurs de gaz et de pétrole.
«Rupture» nécessaire
Même son de cloche du côté de Greenpeace Suisse, qui évoque un bilan décevant, notamment sur la réduction des émissions et la sortie des énergies fossiles. La Suisse doit impérativement revoir ses efforts à la hausse sur la question climatique et opérer une rupture avec les combustibles fossiles.
«Contrairement à ce qu'a affirmé Albert Rösti à Bakou, la Suisse est loin d'en faire assez pour le climat», relève Nathan Solothurnmann, expert des questions climatiques pour Greenpeace Suisse. Pour maintenir l'objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré. «Nous devons doubler nos efforts de décarbonation sur le territoire et opérer une rapide transition hors des énergies fossiles», souligne-t-il.
«Plutôt que de compenser ses émissions de CO2 en soutenant des projets peu convaincants dans des pays pauvres du sud, la Suisse devrait considérablement réduire les émissions qu'elle produit sur son propre territoire», critique pour sa part l'œuvre d'entraide Swissaid.
«Perte de crédibilité»
Alliance Sud parle d'une «amère déception», notamment au vu de l'absence de progrès sur l'abandon des énergies fossiles. La situation géopolitique de départ était déjà difficile et la présidence azerbaïdjanaise n'a pas été très efficace pour construire des ponts entre les positions.
Mais l'attitude restrictive des pays industrialisés en matière de financement a particulièrement ébranlé les pays les plus pauvres et les petits Etats insulaires, critique l'ONG d'aide au développement. Les pays riches comme la Suisse perdent ainsi encore plus d'influence et de crédibilité au sein du Sud global.
«Le Conseil fédéral doit maintenant montrer de manière crédible comment la Suisse peut augmenter le financement climatique à long terme», estime Delia Berner, experte en politique climatique internationale chez Alliance Sud. Il faut de nouvelles sources de financement selon le principe du pollueur-payeur, afin que la Suisse puisse apporter sa juste contribution à la lutte et à la maîtrise de la crise climatique dans le Sud global.
Délégation suisse satisfaite
A l'inverse, la délégation suisse se dit satisfaite de l'accord négocié à Bakou, sur une augmentation de l'aide climatique pour les Etats les plus pauvres. Le montant de 300 milliards par an est un «objectif réalisable» pour Felix Wertli, chef de la délégation.
Comme tous les autres Etats, la Suisse n'est pas tenue par la décision de verser un montant déterminé. Le Conseil fédéral adoptera un rapport au cours du premier semestre 2025, dans lequel une contribution «équitable» de la Suisse sera définie, explique Felix Wertli. Il ne s'agit pas seulement de verser directement plus d'argent, mais aussi de trouver des investisseurs.
Lors de cette COP29, la Suisse avait notamment pour objectif d'augmenter le nombre de pays donateurs. Cet objectif a été atteint, selon Felix Wertli. L'accord prévoit donc d'étendre les exigences aux pays émergents riches.
L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) se félicite par ailleurs de l'adoption de nouvelles règles pour le mécanisme de marché mondial. Celui-ci permet aux pays signataires de l'accord de Paris de mettre en œuvre des projets de protection du climat à l'étranger et d'imputer les réductions d'émissions obtenues dans leur objectif climatique national.
Felix Wertli se montre tout de même déçu concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La délégation suisse aurait souhaité que la conférence délivre un message plus fort sur l'engagement en faveur de l'objectif climatique d'un réchauffement limité à 1,5 degré.