A quelques heures de la fin officielle de la conférence climatique de l'ONU, un texte propose vendredi d'augmenter les financements des pays riches vers les pays en développement à 250 milliards de dollars par an, un chiffre immédiatement jugé trop bas par les ONG. Cela représenterait deux fois et demi l'engagement actuel de 100 milliards de dollars par an pour 2020-2025. Cet argent est aujourd'hui essentiellement de l'argent public, mais les pays riches voudraient augmenter à l'avenir la part du privé. Ce chiffrage reflète la demande des pays développés, a indiqué la présidence azerbaïdjanaise de la COP29.
Selon le texte publié par celle-ci, le nouvel engagement serait à l'horizon 2035, et le texte indique qu'il pourra être financé «par une grande variété de sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, dont des sources alternatives». Une allusion aux propositions de taxes mondiales sur les plus riches, l'aviation, le transport maritime.... et encore loin d'être actées.
50% de moins que demandé
Après de multiples consultations dans la nuit de jeudi et vendredi, dans lesquelles le Brésil, l'Union européenne et la Chine sont omniprésents, ce texte représente donc la position d'ouverture des pays riches et n'est pas encore final. Mais les Azerbaïdjanais préviennent qu'ils n'accepteront plus que d'ultimes «ajustements». Le chiffre de 250 milliards par an est inférieur de moitié à ce qu'une alliance de pays en développement réclamaient. Les pays du Sud se concertent avant de réagir officiellement, contrairement aux militants climatiques.
«La cible de 250 milliards de dollars ne suffit pas: elle n'est ni assez élevée, ni assez rapide, elle n'est pas bonne. Le monde brûle, nous ne pouvons pas attendre des cacahuètes pendant 11 ans en donnant l'impression de faire une pause dans la sortie des énergies fossiles», a réagi Friederike Roder, de l'ONG Global Citizen. «C'est clairement bien moins que ce dont ont besoin et espèrent les pays en développement», analyse Rob Moore, du centre de réflexion E3G. «Tout accord à la COP devra être le début et non la fin de l'histoire».
Mais les Etats-Unis préviennent déjà que 250 milliards par an représenteraient un effort «extraordinaire» par rapport à l'engagement actuel, selon un haut responsable américain.
«Il y a les moyens d'arriver à un accord»
Le projet d'accord fixe séparément un objectif ambitieux de lever un total de 1.300 milliards de dollars par an d'ici 2035 pour les pays en développement; ce total inclurait la part des pays développés et d'autres sources de financements. Beaucoup s'attendent à une prolongation de la COP29 dans la nuit, voire samedi, comme la plupart des COP. «Il y a les moyens d'arriver à un accord et que j'espère qu'on va pouvoir y arriver», dit un diplomate français.
Des négociateurs et des ONG critiquent la gestion de la conférence par les Azerbaïdjanais, inexpérimentés pour mener des négociations aussi conséquentes entre près de 200 pays. «C'est la pire COP de mémoire récente», va jusqu'à dire Mohamed Adow, au nom du grand réseau d'ONG Climate Action Network. «La présidence est incompétente, c'est le chaos total», confie à l'AFP un négociateur occidental, entre deux réunions bilatérales.
La conférence s'est déroulée dans une atmosphère lourde. Le président Ilham Aliev a attaqué à la tribune la France, alliée de son ennemi l'Arménie, et les deux pays ont convoqué leurs ambassadeurs respectifs. Pendant que plusieurs militants environnementaux azerbaïdjanais sont en détention.
La finance climatique désigne les prêts et les dons fournis par les pays développés, au nom de leur responsabilité historique dans le dérèglement climatique, pour aider les pays en développement à affronter un climat plus destructeur et à investir dans les énergies bas carbone. «Nous ne demandons qu'1% du PIB (Produit intérieur brut) mondial. Est-ce trop demander pour sauver des vies?», interroge Juan Carlos Monterrey Gomez, négociateur du Panama. «Nous ne pouvons pas reporter de plusieurs années, c'est le moment», insiste le négociateur bolivien, Diego Pacheco, auprès de l'AFP.
Davantage réduire les émissions de gaz à effet de serre
Un autre combat est mené par l'Union européenne: elle négocie davantage d'«ambition» pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais s'oppose aux pays producteurs de pétrole comme l'Arabie saoudite. Succès, pour l'instant: une des composantes du projet d'accord final mentionne explicitement la transition vers la sortie des énergies fossiles, la formulation arrachée à la COP28 l'an dernier.
La Chine défend ardemment l'accord de Paris de 2015 mais a tracé une ligne rouge: elle ne veut aucune obligation financière. Pas question de renégocier la règle onusienne de 1992 qui stipule que la responsabilité de la finance climatique incombe aux pays développés. Le projet d'accord de vendredi n'oblige pas mais «invite» les pays en développement, dont la Chine fait officiellement partie, «à fournir des contributions additionnelles».