Zone tampon et ressources
Pourquoi Poutine s'en prend à l'Ukraine

Du blé en quantité, du gaz naturel et des minerais: le président russe Vladimir Poutine veut s'emparer de l'Ukraine non seulement pour tenir l'Occident à distance, mais aussi pour profiter de ses ressources.
Publié: 23.02.2022 à 10:44 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2022 à 15:24 heures
Les troupes russes organisent des manœuvres depuis des semaines aux portes de l'Ukraine.
Photo: keystone-sda.ch
Guido Felder

Après la reconnaissance par Vladimir Poutine des territoires séparatistes dans l’est de l’Ukraine, les Ukrainiens risquent d’être dans une situation délicate. Avec les séparatistes prorusses, les troupes russes pourraient s’emparer du reste du territoire des oblasts de Donetsk et de Louhansk revendiqués par les occupants – peut-être même d’autres régions de l’est de l’Ukraine.

«Les Ukrainiens pourraient alors aller à la confrontation ou se retirer sans qu’aucun coup de feu ne soit tiré», explique Benno Zogg, expert en sécurité à l’EPFZ, à Blick. Un des scénarios les plus extrêmes? L’ouest de l’Ukraine pourrait être tronqué du reste du pays avec un gouvernement prorusse, mis en place par Poutine, complète le spécialiste.

Du gaz aux terres rares

Si Poutine s’accroche autant à l’Ukraine, c’est principalement pour deux raisons: l’une politique et l’autre économique. Pour le président russe, il est hors de question que l’ancienne république soviétique s’oriente toujours davantage vers l’Ouest et demande à adhérer à l’UE et à l’OTAN. La Russie n’aurait ainsi plus d’Etat tampon avec l’Occident.

La crise ukrainienne, visualisée.

L’Ukraine est également très intéressante sur le plan économique. Le pays est considéré comme le grenier à blé de l’Europe et est l’un des plus grands exportateurs de cette céréale au monde. Elle dispose en outre d’importantes ressources – du minerai de fer aux terres rares en passant par le graphite, le titane, le nickel et le lithium. D’énormes gisements de gaz de schiste encore inexploités dorment sous terre.

A l’est, en parti occupé par les séparatistes prorusses, l’industrie a assuré la prospérité de la région après l’effondrement de l’Union soviétique. Donetsk est connu pour son industrie lourde et ses mines de charbon, Louhansk pour la plus grande usine de locomotives d’Europe.

Des manœuvres menaçantes

Lorsque la Russie a annexé la péninsule de Crimée en 2014, les séparatistes prorusses ont occupé des territoires dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk et ont proclamé des républiques populaires indépendantes. En reconnaissant celles-ci, Vladimir Poutine s’est créé une excuse pouvoir envahir l’Ukraine afin d'«aider» les Russes qui y vivent.

Le fait que la Russie ait également effectué des manœuvres avec des armes nucléaires ces derniers jours est «extrêmement inquiétant», assène Benno Zogg. Il ne croit pas à une guerre nucléaire tant que le conflit reste régional. Le feu pourrait toutefois être mis aux poudres par un éventuel malentendu avec les troupes de l’OTAN. Une guerre pourrait alors éclater sur plusieurs fronts.

Un conflit sur le long terme

Les déclarations et les décrets ordonnés par Vladimir Poutine ont signé la mort de ces accords, souligne Benno Zogg. Ces derniers prévoyaient un statut spécial pour Donetsk et Lougansk au sein de l’Ukraine. Ils ont été résiliés de manière unilatérale par la Russie.

L’expert de l’EPFZ ne croit pas à un dénouement rapide. «Le conflit nous occupera encore pendant de nombreuses années», prévoit-il. Il fait référence à la Géorgie, où les troupes russes sont stationnées depuis 13 ans, et à la Moldavie, sous tension depuis 30 ans. Pour Benno Zogg, «tant que Poutine gouvernera, une paix durable est pratiquement exclue».

(Adaptation par Jessica Chautems)

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