Voici ce qui va changer
L'Union européenne va durcir sa politique d'asile

Les ministres de l'Intérieur de l'UE ont décidé de durcir leur position contre l'afflux de migrants. Une nouvelle réglementation va entrer en vigueur et la Suisse y participera également. Voici ce qui va changer.
Publié: 10.06.2023 à 06:04 heures
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Dernière mise à jour: 10.06.2023 à 10:56 heures
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Lorsque des centaines de milliers de migrants ont afflué en Europe en 2015, la Hongrie a renforcé sa frontière avec du fil de fer barbelé.
Photo: AFP
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Guido Felder

Pour mieux maîtriser l'afflux de migrants, l'UE va durcir les procédures d'asile. C'est ce qu'ont décidé la majorité des ministres de l'Intérieur des pays membres ce jeudi 8 juin. Cette nouvelle ligne stricte implique que les migrants considérés sans perspective d'asile seront retenus et renvoyés vers leur terre d'origine. Les pays qui n'accueillent pas de migrants devront par ailleurs payer des compensations.

En cas d'échec de ces mesures, c'est l'espace Schengen, déjà mis à rude épreuve depuis le début de la crise des migrants en 2015, qui pourrait disparaître. Les frontières risquent-elles d'être fermée en Europe? Blick fait le point et vous explique la nouvelle réglementation.

Pourquoi ces nouvelle mesures?

Avec la crise des migrants qui frappe l'Europe depuis 2016, il est évident que de nouvelles règles sont nécessaires en matière d'asile. La Grèce, en particulier, a été dépassée par l'afflux massif de réfugiés. Des centaines de milliers de personnes ont pu poursuivre leur route vers d'autres pays sans être enregistrées. Or, selon l'accord de Dublin en vigueur, les demandeurs d'asile doivent être enregistrés dans le premier pays dans lequel ils arrivent en Europe. Un cadre plus strict était donc à l'étude à Bruxelles.

Que prévoient ces nouvelles règles strictes?

Les personnes en provenance de pays considérés comme sûrs seront à l'avenir placées dans des centres d'accueil strictement contrôlés, dans des conditions proches de la détention. C'est là que l'on examinera dans un délai de douze semaines si le demandeur a des chances d'obtenir l'asile. Si ce n'est pas le cas, il sera immédiatement renvoyé.

Les familles seront-elles aussi retenues?

Le gouvernement allemand s'était engagé à ce que les familles avec enfants soient exclues des procédures instaurées aux frontières. Pour permettre une avancée dans la nouvelle réglementation, il a toutefois dû renoncer à ce principe. Mais Berlin assure s'engager avec le Portugal, l'Irlande et le Luxembourg pour obtenir des exceptions. Il est également possible que le Parlement européen impose encore des modifications.

Qu'est-ce que cela change dans la répartition?

Outre le durcissement des procédures d'asile, les nouvelles règles prévoient une plus grande solidarité avec les États membres fortement sollicités aux frontières extérieures de l'UE. Ce dernier point ne sera donc plus facultatif, mais obligatoire à l'avenir. Les pays qui ne veulent pas accueillir de réfugiés seront contraints de verser des compensations. La somme de 22'000 euros par refus d'accueil a été avancée par divers médias.

Que va-t-il se passer pour les migrants interdits d'entrée?

Selon la commissaire suédoise compétente Ylva Johansson, les demandeurs d'asile déboutés pourront en principe être expulsés vers des pays non membres de l'UE, en échange d'une compensation envers le pays en question. La seule condition serait qu'ils aient un lien quelconque avec ce pays. La nature de celui-ci doit être laissé à l'appréciation des États membres de l'UE responsables de la procédure d'asile concernée.

Quels États se sont opposés à ces mesures?

Cette nouvelle règlementation n'a pas été soutenue par la Pologne, la Hongrie, Malte, la Slovaquie et la Bulgarie. La République tchèque a clairement indiqué après l'accord qu'elle ne souhaitait pas participer au mécanisme de solidarité. Le ministre polonais des Affaires européennes, Szymon Szynkowski vel Sek a tweeté: «Nous n'accepterons pas que des idées absurdes nous soient imposées.» Il faisait ainsi référence à l'accueil de 1,6 million de réfugiés de guerre en provenance d'Ukraine.

La réglementation concerne-t-elle aussi la Suisse?

La conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider a déclaré jeudi que la Suisse souhaitait également se rallier au règlement. Elle a qualifié cette solution d'«avancée historique». Grâce à ce compromis, le système de Dublin a été renforcé, a-t-elle ajouté.

Combien de migrants se rendent en Europe?

Le nombre de demandes d'asile a nettement augmenté après la pandémie. En 2022, 881'200 premières demandes ont été déposées dans les 27 pays de l'UE. Cela représente une augmentation de 64% par rapport à l'année précédente. Moins d'une demande sur deux est acceptée. En Suisse, 24'511 demandes ont été déposées en 2022.

D'où proviennent actuellement les migrants?

L'Italie est particulièrement concernée par l'arrivée de nouveaux migrants en ce moment. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de 50'000 réfugiés y ont déjà été enregistrés cette année. La plupart sont venus de Tunisie, d'Egypte et du Bangladesh.

Qu'en est-il des réfugiés ukrainiens?

Les Ukrainiens bénéficient d'une protection particulière dans l'UE. Un régime spécial a été instauré en raison de la guerre et ils n'ont pas besoin de demander l'asile. La nouvelle réglementation ne les concerne donc pas actuellement.

Quand les nouvelles règles entreront-elles en vigueur?

Les négociations encore en suspens avec le Parlement européen devraient être conclues avant la fin de l'année. Les lois pourraient alors être adoptées avant les élections européennes de juin 2024. Si cela n'aboutit pas, des changements dans les rapports de force politiques pourraient rendre de nouvelles négociations nécessaires.

Des critiques ont-elles été exprimées?

Des critiques massives ont été émises par des parlementaires européens dans le camp des Verts. «Les États membres de l'UE ont perdu leur boussole morale», a critiqué le porte-parole des Verts allemands au Parlement européen, Rasmus Andresen. Ce même bord politique est toutefois divisé. Le vice-chancelier allemand Robert Habeck et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, tous deux issus du parti, ont approuvé le règlement en raison de la nécessité de parvenir à un accord.

Quel est l'avis des experts en migration?

Le Conseil pour la migration, qui regroupe quelque 190 chercheurs allemands, pense qu'«il vaut mieux ne pas faire de réforme». Les spécialistes estiment que les mesures ne pourraient pas être appliquées dans le respect des droits de l'homme. Ils craignent que des prisons pour réfugiés soient désormais construites aux frontières de l'Europe et que les Etats extérieurs puissent continuer à laisser passer les migrants vers les Etats du Nord.

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