«Comment est-ce possible?», lance Parisa Fatehi, 20 ans. Originaire de la ville afghane de Parwan, elle est arrivée en Suisse il y a un an avec huit membres de sa famille, vers un avenir plein d'espoir. De l'un des pays les plus misogynes au monde à la Suisse, où les femmes et les hommes sont égaux. Mais une fois arrivée ici, elle a entendu dire que les femmes y gagnaient moins, qu'elles étaient moins nombreuses à occuper des postes de direction et à faire de la politique. «L'égalité totale n'existe que sur le papier. J'étais surprise», confie-t-elle.
La Suisse et l'Afghanistan? Le jour et la nuit
Yasmin a les cheveux éclaircis, porte une veste en jean et un pantalon de jogging à la mode, Parisa, les cheveux sous le hijab, a des manches longues et un jean simple. Elles ne pourraient pas être plus différentes, mais partagent le même destin.
Comment les femmes qui ont fui les talibans vivent-elles la situation en Suisse? Blick en a parlé avec ces jeunes Afghanes. Toutes deux fréquentent l'école privée «Welcome to School» à Zurich, financée par des dons, pour les adolescents et les jeunes adultes qui ont dû fuir leur pays.
Une chose est claire: elles ne veulent en aucun cas comparer les inégalités que vivent les femmes en Suisse avec la situation en Afghanistan. Elles racontent comment leurs compatriotes sont battues, violées et vendues dans leur pays. Yasmin sort son téléphone portable et consulte une vidéo sur un site Internet en caractères arabes. La vidéo montre un groupe d'hommes fouettant à tour de rôle une femme cagoulée. «Cela se passe tous les jours à la maison», dit-elle. Sa voix tremble.
Pas de formation sans permis de séjour
Yasmin est en Suisse depuis trois ans avec sa sœur aînée et elle est heureuse de voir à quel point elle est libre de ses choix ici: «Je peux m'habiller comme je veux et je peux porter mes cheveux détachés. Ici, les femmes s'occupent des autres femmes.» Chez elle, elles seraient traitées comme des esclaves et n'auraient pas le droit de faire des études. Lorsqu'elle parle des possibilités de formation en Suisse, elle devient plus triste. Yasmin aimerait devenir laborantine, mais ne peut pas: le statut F le lui interdit. «On a l'impression que les animaux ont plus de droits que nous.»
Elles ne descendront pas dans la rue aujourd'hui. Si elles devaient manifester, ce serait pour le droit à l'éducation. «Ici, les enfants peuvent être des enfants, ils ont la liberté de décider et ne doivent pas faire attention à tout le monde. En Afghanistan, tu dois faire ce que les autres font, sinon tout le monde parle de toi», raconte Parisa.
Toutes deux sont passées par l'Iran, la Turquie, la Grèce et finalement la Suisse. Lorsque Yasmin décrit comment elles ont traversé la mer en bateau, comment elles ont passé des mois sous des tentes, sa voix tressaille. Il lui faut quelques secondes pour se ressaisir et pour continuer à raconter: «Sur le bateau, j'ai survécu uniquement parce qu'il y avait une femme enceinte à bord, sinon les garde-côtes grecs auraient découpé notre bateau.» Malgré un passé sombre, les deux jeunes femmes n'ont pas perdu espoir. Elles espèrent obtenir un permis de séjour pour entamer un apprentissage et prendre leur avenir en main.
Même si elles ne célèbrent pas la journée des droits des femmes, elles sont fières de leur genre. Elles ont toutefois des sentiments mitigés envers leur pays d'origine. «Je suis fière d'être afghane. J'aurais juste aimé ne pas naitre là-bas», conclut Yasmin.