Les Etats membres de l'Union européenne ont donné leur feu vert mercredi pour abaisser le statut de protection du loup, allant dans le sens des éleveurs malgré la levée de boucliers des associations environnementales. L'UE veut passer d'une «protection stricte» à une «protection simple», qui permettrait d'éliminer plus facilement les loups quand ils sont jugés trop nombreux dans certaines régions, avec des quotas de chasse.
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La proposition a recueilli une majorité qualifiée à Bruxelles lors d'une réunion entre les représentants permanents auprès de l'Union (Coreper), grâce au soutien d'une quinzaine d'Etats, dont la France et l'Allemagne, selon des sources diplomatiques. La ministre allemande de l'Environnement Steffi Lemke, membre du parti les Verts, a surmonté ses réserves. «La population de loups s'est tellement développée ces dernières années que cette décision» est «nécessaire pour les éleveurs», a-t-elle assumé.
Ce n'est toutefois qu'une étape: cette proposition doit encore être approuvée au sein de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage, avant une éventuelle modification de la législation européenne. Alors qu'elle avait quasiment été éradiquée au XIXème siècle, la population de loups augmente au sein de l'Union, avec environ 20'300 individus en 2023, dans 23 pays. Ce regain ne se fait pas sans heurts, principalement à cause des attaques contre du bétail, donnant lieu à des prises de position parfois enflammées entre partisans et opposants du carnivore.
Le sujet a envahi les médias
A l'automne 2023, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a perdu elle-même son vieux poney tué par un loup dans la propriété familiale du nord de l'Allemagne, plaidait pour abaisser le niveau de protection de l'animal. «La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme», lançait la dirigeante allemande, s'attirant les foudres des ONG.
Dans l'Autriche voisine, où le loup a fait son retour progressivement depuis 2009, le sujet a envahi les tabloïds et les réseaux sociaux cet été, avec des appels d'éleveurs à une «régulation massive» de l'animal au grand dam des écologistes. Les associations environnementales sont montées au créneau à plusieurs reprises pour réclamer un maintien du statut actuel.
L'assouplissement des règles est une «proposition politiquement motivée et qui n'est pas du tout fondée sur la science», accuse Sabien Leemans, chargée de la biodiversité au sein de l'ONG WWF. «La principale différence est que cela permettrait de chasser les populations de loups».
Des tirs qu'en «ultime recours»
En voulant réviser le statut du loup, «la Commission met également en danger d'autres espèces: plusieurs pays se sont déjà ainsi engagés dans la brèche pour demander le déclassement de l'ours et du lynx», mettaient aussi en garde onze associations au mois de mars. Les défenseurs de l'environnement plaident pour l'application de solutions «déjà existantes de cohabitation», comme la protection des troupeaux avec chiens de protection, des clôtures, ainsi que la mise en place de bénévoles pour la surveillance des troupeaux de nuit.
Les tirs ne devraient intervenir qu'en «ultime recours» si l'effarouchement a échoué, estiment-ils. En vertu de la directive européenne «Habitats» de 1992, la plupart des populations de loups en Europe bénéficient actuellement d'une «protection stricte», assortie de possibilités de dérogations. Des loups peuvent être tués pour protéger des troupeaux, dans des conditions très précises.
En France, où 1.003 loups ont été recensés en 2023, environ 20% sont tués chaque année et les autorités ont prévu de simplifier les procédures de tirs. En 2022, les indemnisations pour des dégâts causés par les loups se montaient à quatre millions d'euros dans le pays - nettement moins que les 65 millions d'indemnisations pour les dégâts des sangliers et cervidés.