Recep Tayyip Erdogan a de nouveau mis ses alliés au pas. Comme il l’a fait dans le passé sur le sujet explosif de l’immigration, avec l’accord de 2016 UE/Turquie – moyennant une aide de trois milliards d’euros – le président turc a joué la surenchère avec succès.
Il aurait pu, en maintenant le veto de son pays à l’entrée de la Suède dans l’OTAN, transformer le sommet de Vilnius en semi-échec. Impossible de convaincre que les 31 pays membres de l’Alliance atlantique sont unanimes si un désaccord sur leur élargissement avait paralysé leurs débats! Bien joué. Recep Tayyip Erdogan a attendu lundi soir à Vilnius, juste avant l’ouverture du sommet, pour donner son accord. Problème: ce sont les Européens qui risquent d’en faire les frais.
Des concessions, évidemment
Première concession faite au président turc réélu le 28 mai: le lien entre l’adhésion de la Suède à l’OTAN et la réouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE). Le pays est candidat depuis 1987. Mais en juin 2019, le Conseil de l’UE, représentant les États-membres, a reconnu que les négociations sont «au point mort». Or en acceptant de soutenir une reprise des discussions entre Bruxelles et Ankara, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson n’a pas fait qu’une vague promesse. Des signes devront suivre. Pas simple à justifier devant l’opinion publique européenne, majoritairement hostile à ce rapprochement.
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Seconde concession de la part de la Suède: l’acceptation, de facto, d’un droit de regard turc sur le traitement de l’Islam dans ce pays. Droit de regard ne veut pas dire véto, ou ingérence. Mais le tollé soulevé dans le monde musulman par l’autodafé d’un Coran devant une mosquée de Stockholm le 4 juillet a servi à point nommé de levier à Recep Tayyip Erdogan.
Le gouvernement suédois a bien sûr rappelé que la liberté d’expression en Suède était protégée par la Constitution. N’empêche: tant que le parlement turc n’a pas ratifié l’entrée de la Suède dans l’OTAN, la vigilance d’Ankara va redoubler. Idem pour le sort des réfugiés kurdes dans le pays. Environ 100'000 kurdes vivent en Suède, souvent installés de longue date. L’un d’entre eux a été extradé le 12 juin vers la Turquie où il avait été condamné pour trafic de drogue. Le gouvernement turc va maintenir la pression pour obtenir au moins le silence de ces opposants liés au PKK, qu’il accuse de terrorisme.
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Le troisième problème, le plus sérieux, est l’impact politique de cette négociation sur l’adhésion de la Suède à l’OTAN, pour l’Union européenne et pour sa politique de défense. La Suède était de toute façon associée au sommet de Vilnius, dont elle deviendrait le 32e membre. La Finlande, autre pays neutre, a pour sa part intégré l’Alliance le 4 avril dernier. Or le bras de fer avec la Turquie vient de confirmer qu’en matière de sécurité, l’Alliance atlantique est en quelque sorte au-dessus de l’UE.
Le président du Conseil européen Charles Michel n’était d’ailleurs pas présent lors de l’ultime séance de négociation, lundi à Vilnius, entre Recep Tayyip Erdogan et Ulf Kristersson. Il avait rencontré le président turc auparavant. Son absence, lors de la poignée de mains de réconciliation, est symbolique.
L’immigration en ligne de mire
L’on voit mal, dans ces conditions, les deux nouveaux pays membres de l’OTAN s’opposer dans le futur à la Turquie, habituée à malmener l’OTAN et ses alliés par ses explorations pétrolières contestées en mer Égée, qui l’opposent à la Grèce. Il est aussi probable qu’en matière d’immigration, lorsqu’il faudra renouveler l’accord de 2016 avec Ankara, Stockholm et Helsinki pèseront en faveur d’un soutien financier renouvelé à la Turquie, où vivent environ quatre millions de réfugiés syriens. Une nouvelle enveloppe de 3,5 milliards d’euros lui a été allouée pour la période 2022-2024. Ultime précision: la ratification de l'entrée de la Suède dans l'Otan par la Hongrie, dernier pays européen à ne pas l'avoir voté, n'est désormais «plus qu'une question technique».