Au sol ou dans les airs, ils témoignent de la pression qu'ils subissent en raison du retour soudain et mal anticipé des voyageurs. La grève coordonnée des personnels naviguant commerciaux (PNC) de Ryanair dans cinq pays européens a jeté une lumière crue sur la situation explosive qui règne dans les low cost. «On est en juin et les collègues sont déjà fatigués», insiste Damien Mourgues, délégué syndical SNPNC chez Ryanair.
«Notre salaire de base est de 854 euros avec des variables de 8,50 euros de l'heure», décrit-il. En Espagne, chez EasyJet, «nous avons un salaire de base de seulement 950 euros» et «quand on ne vole pas, on gagne 950 euros c'est tout», déplore Pier Luigi Copellon, steward à Barcelone depuis 14 ans.
Chez Ryanair, il était encore interdit il y a quelques jours de se servir en eau dans les avions. La direction a fini par lâcher du lest et «on a le droit à quatre bouteilles de 500 ml par personne», explique Damien Mourgues.
Chez Transavia ou Volotea aussi la colère couve avec des préavis de grève prévus cet été. Chez Brussels Airlines, en grève vendredi, «un membre d'équipage fait entre 50 et 60 heures sur cinq jours en moyenne», assure Claudia de Coster, cheffe de cabine et représentante Setca-FGTB.
Agents de sûreté aéroportuaire en péril
C'est l'un des postes qui souffre le plus du sous-effectif avec la reprise du trafic. Les agents chargés du contrôle des bagages et passagers aux points d'inspection-filtrage (PIF) se voient contraints de gérer des flux massif avec des moyens moindres qu'auparavant. «On se retrouve à être deux ou trois au lieu de cinq par PIF», expose Saïd Abdou, salarié de Securitas à Orly et représentant CGT.
«La cadence est tellement rapide. Securitas avait embauché 17 personnes récemment, ils ont fait une journée et ils ne sont pas revenus, c'était trop dur», raconte-t-il. Huit de ses collègues sont en arrêt pour burn-out, affirme-t-il, car on leur a refusé de poser des congés cet été. Saïd Abdou gagne 1500 euros net, un treizième mois et une prime de performance individuelle de 500 euros par an après 18 ans d'ancienneté.
Lundi, une grève des agents de sécurité à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem a engendré l'annulation de l'ensemble des vols de la journée.
«Jamais vu ça en 18 ans de métier»
«Chez les bagagistes il y a ceux qui mettent les bagages sur le tapis, ceux qui sont accroupis dans la soute pour les entasser, c'est très fatiguant», explique Luc Atlan, secrétaire général Unsa aéroportuaire. Les sociétés de bagagistes, dépendantes de gros donneurs d'ordre comme Air France, ont massivement réduit les effectifs pendant la crise du Covid-19.
La remontée soudaine de la cadence conduit à «travailler sous pression. Et avec le manque de personnel vous allez vite et vous vous blessez. Il va y avoir un taux d'absentéisme de plus en plus important», prévoit Luc Atlan.
On les connaît peu mais dans le dispositif censé assurer le fonctionnement fluide d'un aéroport, les personnes chargées d'accompagner les personnes à mobilité réduite ne sont pas moins essentielles, or elles manquent d'effectifs. «On a énormément de retards, énormément de loupés», regrette Ali Khiati, délégué SUD-Aérien chez Gibag.
«Il y a des personnes qui attendent une heure dans l'avion», obligeant l'appareil à rester immobilisé. «Quand on arrive après une heure on se fait crier dessus par le commandant de bord, par les clients, alors qu'on a eu l'ordre de mission cinq minutes avant, on est des serpillères», s'emporte Ali Khiati.
«Je sens l'été catastrophique», craint-il, affirmant n'avoir jamais vu ça en 18 ans de métier. «Il y a une semaine, 21 personnes dans la même journée ont raté leur avion. Il y en avait 16 qui partaient pour Alger, on les a mis dans un pauvre jardin et il y avait tellement de travail que le régulateur les a oubliés», donne Ali Khiati en exemple.
(AFP)