La justice russe a repoussé vendredi d'une semaine son verdict à l'encontre de trois avocats de l'opposant Alexeï Navalny, mort en détention en février 2024, qui sont accusés à leur tour «d'extrémisme» et risquent plusieurs années de prison ferme.
La décision dans cette affaire était attendue vendredi mais le tribunal de la ville de Petouchki, près de Moscou, a décidé dans la matinée de la repousser au 17 janvier, ont annoncé les avocats des accusés à la presse.
Accusés d'avoir aidé Navalny
Alexeï Liptser, Igor Sergounine et Vadim Kobzev ont été arrêtés en octobre 2023, lorsque l'opposant numéro un à Vladimir Poutine était toujours vivant, puis placés sur la liste des «extrémistes». Ils sont accusés d'avoir transmis à Alexeï Navalny, incarcéré en Russie à partir de janvier 2021 jusqu'à sa mort en prison le 16 février 2024, des informations lui permettant de «planifier, préparer (...) et commettre des crimes extrémistes» depuis sa cellule, selon les enquêteurs.
Ces accusations d'«extrémisme» sont passibles en Russie de six ans de détention, l'accusation ayant demandé des peines de plus de cinq ans.
Un seul a plaidé coupable
Le procès se déroule depuis mi-septembre devant un tribunal de Petouchki, dans la région de Vladimir, à l'est de Moscou, où se trouve également une prison, où Alexeï Navalny avait été un temps incarcéré. Après le début de la première audience le 12 septembre, l'ensemble des débats ont eu lieu à huis clos, sur demande du procureur, malgré les protestations des avocats de la défense.
Au cours de la procédure, Igor Sergounine a plaidé coupable, selon les médias russes indépendants Mediazona et Novaïa Gazeta. Alexeï Liptser et Vadim Kobzev ne l'ont pas fait.
Preuves illégales
Selon l'un des avocats de la défense, Roman Karpinski, l'affaire est basée sur des écoutes des réunions entre M. Navalny et ses avocats lors de sa détention, ce qui constitue selon lui une «violation du secret professionnel» de l'administration pénitentiaire, qui a transmis ces enregistrements aux enquêteurs. «Nous sommes jugés pour avoir transmis les pensées de Navalny à d'autres personnes», a dénoncé devant la cour fin décembre l'un des accusés, l'avocat Vadim Kobzev, cité par Novaïa Gazeta.
L'ONG Amnesty International a exhorté Moscou à mettre fin aux «poursuites arbitraires» engagées contre les avocats.
La répression, monaie courrante en Russie
Depuis le début de l'assaut contre l'Ukraine, en février 2022, la répression frappe toutes les voix dissidentes en Russie. Les avocats de militants de l'opposition étaient autrefois rarement emprisonnés, bien que soumis à une surveillance et à des menaces croissantes. Ces trois dernières années, plusieurs d'entre eux ont dû quitter le pays pour éviter d'être incarcérés.
Deux autres anciens avocats d'Alexeï Navalny, Olga Mikhaïlova et Alexandre Fedoulov, sont à l'étranger et sont visés par un mandat d'arrêt des autorités russes.
Mme Mikhaïlova a qualifié de «sauvages» les peines requises par les procureurs, assurant sur Instagram que les trois avocats jugés avaient «défendu Navalny de façon honnête et professionnelle pendant de nombreuses années».
L'héritage Navalny
Charismatique militant anticorruption, Alexeï Navalny avait été arrêté à Moscou en janvier 2021 à son retour d'Allemagne, où il avait été hospitalisé après avoir été victime en Sibérie d'un empoisonnement qu'il imputait au Kremlin, qui a toujours nié.
Il avait ensuite été condamné à plusieurs lourdes peines, dont une de 19 ans de prison en août 2023 pour «extrémisme». Navalny communiquait essentiellement depuis sa prison via des messages transmis à ses avocats, dans lesquels il dénonçait notamment l'offensive en Ukraine et appelait les Russes à «résister».
Son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) est aussi classée «extrémiste» en Russie depuis 2021. Les circonstances de sa mort dans une colonie pénitentiaire de l'Arctique en février 2024 restent obscures.
Nombre de ses anciens collaborateurs, réfugiés à l'étranger, travaillent désormais avec sa veuve, Ioulia Navalnaïa, qui a repris en exil le flambeau du mouvement de son mari, sans pour autant réussir à unir autour d'elle une opposition divisée et éparpillée à l'étranger.