La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné l'Espagne ce jeudi pour avoir manqué à son obligation d'enquêter sur de graves allégations de traite d'êtres humains formulées par une Nigériane. Elle avait été forcée de se prostituer lorsqu'elle était mineure.
Cette femme a expliqué qu'en 2003, alors qu'elle avait 14 ans, des trafiquants lui avaient fait quitter le Nigeria pour l'Espagne. Elle avait été emmenée dans une maison située à Arahal, au sud-est de Séville, et contrainte de se prostituer avant de réussir à s'échapper en 2007.
Elle a par la suite continué à se prostituer avant d'être accompagnée par une ONG qui l'a soutenue dans sa démarche de porter plainte en 2011 pour traite d'êtres humains et exploitation sexuelle. Après avoir épuisé tous les recours en justice en Espagne, sans obtenir gain de cause, elle a introduit une requête auprès de la CEDH.
Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour, qui est chargée d'appliquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans les 46 pays signataires, a jugé qu'il y avait eu violation de l'article 4 (interdiction de l'esclavage et du travail forcé) de cette Convention.
Manquement flagrant à l'obligation d'enquêter
La CEDH, qui siège à Strasbourg, estime qu'aucune mesure n'a été prise au cours des deux premières années de l'enquête, que les enquêteurs n'ont pas suivi des pistes d'investigation évidentes, et que les décisions de classement provisoire de l'affaire qui ont été rendues en 2017 étaient superficielles et insuffisamment motivées.
Ces lacunes témoignent d'un manquement flagrant à l'obligation d'enquêter sur les allégations graves de traite des êtres humains, une infraction aux conséquences dévastatrices pour les victimes, souligne la CEDH. L'Espagne doit verser à la requérante 15'000 euros au titre du dommage moral, et 12'000 euros pour les frais de justice.