Tous les ans, tel un petit rituel inoxydable, Vladimir Poutine fait un discours de fin d'année. Il n'a raté ce rendez-vous qu'en 2005 et de 2009 à 2011, car il n'était pas président à ce moment-là.
La semaine dernière, l'événement, qui permet pourtant au Kremlin d'assurer sa propagande, a été annulé. Aucune raison officielle n'a été communiquée, ce qui a provoqué de nombreux remous. Pourquoi donc le président russe a-t-il renoncé à son discours?
Les experts supposent que Vladimir Poutine ne souhaite pas répondre aux questions des journalistes sur la guerre en Ukraine. En d'autres termes, il ne veut surtout pas être associé à l'«opération spéciale» qui se déroule mal pour ses troupes en Ukraine, selon le «Moscow Times».
Poutine se rend-il compte qu'il manque de soutien?
Il faut dire que ces derniers mois, la Russie a subi une série d'humiliations militaires en Ukraine. Le retrait des forces russes de Kherson, l'explosion sur le pont de Crimée, les problèmes liés à la campagne de mobilisation et les attaques ukrainiennes sur le territoire russe n'ont cessé de rappeler la fébrilité de l'armée du Kremlin.
Vladimir Poutine a peut-être réalisé qu'il n'aurait pas de réponses aux questions qui viendraient inévitablement des journalistes. Ceux-ci voient, comme le peuple russe, les corps de leurs compatriotes être rapatriés semaines après semaines. Des réponses sont attendues par les familles des hommes mobilisés, envoyés au front sans formation ni équipement appropriés. Même la propagande la plus solide peut difficilement créer l'illusion sur l'augmentation des coûts de la guerre et les sombres perspectives de son issue.
Indéniablement, le Kremlin s'inquiète des apparitions publiques du président russe. Sa popularité pourrait sérieusement en prendre un coup. «Notez que Poutine est resté silencieux depuis plus d'un mois sur la reddition de Kherson, déclare un fonctionnaire du Kremlin au 'Moscow Times'. Toute déclaration sur ce retrait pourrait diminuer immédiatement sa popularité.»
Un signe de faiblesse
La décision d'annuler la conférence de presse est un rare signe de fébrilité. Les événements sur le champ de bataille ont un impact direct sur la prise de décision politique à Moscou. Au Kremlin, on s'inquiétait notamment de voir Kiev lancer une attaque de grande ampleur avant la fin de l'année. «Personne ne peut garantir à 100% qu'une telle attaque n'aura pas lieu», expliquait un autre fonctionnaire au journal russe.
Le discours de fin d'année n'est pas le seul événement d'envergure à avoir été reporté en raison de la guerre. Plusieurs conférences de presse et apparitions télévisées importantes ont été différées. Poutine préfère se montrer lors d'événements possiblement moins dangereux pour lui, comme l'ouverture d'un élevage de dindes ou l'inauguration d'une autoroute fraîchement rénovée.
Alors que le chef du Kremlin veut d'une part détourner l'attention, son retrait de la vie publique pourrait bien signifier une faiblesse, selon le journal britannique «Telegraph». Cela pourrait aussi relancer les rumeurs sur sa mauvaise santé.
Abbas Galliamov, un rédacteur de discours russe, déclare lui aussi au «Moscow Times»: «L'annulation de la conférence de presse et le report du discours sur l'état de l'Union étaient judicieux d'un point de vue tactique, mais cette décision témoigne de l'impasse stratégique dans laquelle se trouve le Kremlin.»