Il est minuit moins cinq: si les partis aux États-Unis ne se mettent pas d'accord d'ici au milieu de la semaine prochaine sur le conflit de la dette, le gouvernement risque de se retrouver en défaut de paiement, ce qui aurait également des répercussions désastreuses sur la guerre en Ukraine. Car outre l'ébranlement des États-Unis, il y aurait une onde de choc dans le système financier international avec des conséquences imprévisibles pour les flux commerciaux mondiaux, les économies nationales et la stabilité politique dans le monde entier.
L'expert militaire Ralph D. Thiele, de l'Institut de conseil en stratégie, politique, sécurité et économie (ISPSW) à Berlin, tient des propos dramatiques: «Pour l'Ukraine, une telle évolution serait le début de la fin.»
Les États-Unis, qui ont soutenu l'Ukraine jusqu'à présent avec environ 75 milliards de dollars, devraient revoir à la baisse leur rôle de fournisseur d'armes, voire l'annuler complètement. Ralph D. Thiele ajoute que «de nombreux autres fournisseurs devraient aussi réévaluer le soutien qu'ils ont jusqu'à présent prévu d'apporter à l'Ukraine et probablement le réduire considérablement, voire le supprimer.»
Le ministre allemand met aussi en garde
Cette semaine, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, avait également déclaré au Bundestag: «La fin des livraisons d'armes aujourd'hui serait la fin de l'Ukraine demain.» Il a rappelé que Kiev ne disposait pas d'une économie de guerre propre et qu'elle était absolument dépendante des autres États. Les États-Unis sont les principaux responsables de cette économie de guerre externalisée, l'Allemagne étant, à une certaine distance, le numéro 2 en la matière.
Les politologues américains voient aussi l'avenir de l'Ukraine en noir en cas de défaut de paiement. James W. Davis, de l'université de Saint-Gall, déclare: «Une faillite de l'État pourrait mettre en péril la poursuite du soutien à l'Ukraine dans la mesure où les fonds non encore dépensés seraient certainement réaffectés pour couvrir les frais courants de l'armée américaine.»
Un compromis de dernière minute?
Le spectre du défaut de paiement revient régulièrement aux États-Unis. Il permet aux oppositions successives de faire passer ses propres revendications. Jusqu'à présent, les deux fronts sont toujours parvenus à un compromis.
Les avis sont partagés sur l'issue de cette fois-ci. Marco Steenbergen, expert américain à l'université de Zurich, pense que cette fois-ci «le risque de défaut de paiement est réel. Il y a des républicains qui aimeraient probablement tout autant voir une crise économique pour améliorer leurs chances en 2024.»
James W. Davis, lui, a bon espoir que les partis trouvent un compromis au vu des conséquences politiques. «Mais il pourrait aussi y avoir un gros accident», ajoute-t-il. Dans ce cas, Biden tenterait probablement le «terrain non foulé du 14e amendement» et augmenterait la dette publique sans l'accord du Congrès. Aujourd'hui, la dette s'élève à 31'400 milliards de dollars.
Ralph D. Thiele est en revanche convaincu que la catastrophe sera évitée: «Les deux partis politiques veulent majoritairement mettre la Russie à genoux et se préparent en outre à un éventuel conflit avec la Chine au sujet de Taïwan. C'est pourquoi les deux adversaires du différend financier intra-américain veilleront scrupuleusement à ce qu'un accord soit trouvé à temps.»