Un expert militaire de l'EPFZ répond
Pourquoi la Russie attaque-t-elle à nouveau des villes ukrainiennes?

Ces derniers jours, des dizaines de missiles russes ont plu sur l'Ukraine – non seulement sur le front, mais aussi et surtout sur les villes ukrainiennes. La Russie adopte une vieille tactique visant à affaiblir massivement les Ukrainiens.
Publié: 23.03.2024 à 20:06 heures
La Russie attaque à nouveau les villes d'Ukraine. Derrière cela se cache une stratégie bien rodée.
Photo: keystone-sda.ch
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Chiara Schlenz

De la centrale électrique au bloc d'habitation, de la ligne d'énergie au bus, aucun endroit n'est à l'abri de ce que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a décrit vendredi comme une «guerre russe contre la vie des gens ordinaires».

Après une pause trompeuse de 44 jours, l'Ukraine connaît désormais une nouvelle escalade: rien que dans les nuits de jeudi et vendredi, des centaines de missiles russes se sont abattus sur des villes ukrainiennes. Marcel Berni, expert militaire de l'EPFZ, analyse ce changement de stratégie des Russes.

Pluie de missiles russes sur l'Ukraine

Kiev, Kharkiv, Zaporijjia: même les villes situées loin derrière la ligne de front ont tremblé sous le tonnerre des missiles russes. Après une pause de 44 jours, la capitale ukrainienne Kiev a également été attaquée, et Kharkiv a dû faire face à pas moins de 15 explosions, toutes imputables à des missiles russes. Selon le maire de la ville Ihor Terekhov, ces attaques visaient l'approvisionnement en électricité de la ville.

La Russie n'a pas non plus épargné les infrastructures ukrainiennes les plus importantes. Selon des informations publiées sur X, la centrale hydroélectrique du barrage de Dnipro, qui constitue une source importante d'approvisionnement en électricité de l'Ukraine, a été touchée par des missiles russes. Et selon l'administration militaire régionale, la centrale nucléaire de Zaporijjia, contrôlée par la Russie, a frôlé la panne d'électricité en raison d'une attaque massive de missiles qui a coupé l'une de ses lignes électriques vendredi matin.

Pour justifier cette vague d'attaques, le ministère russe de la Défense invoquait vendredi sur son canal Telegram des «représailles» pour les attaques ukrainiennes du mois de mars sur Belgorod et Koursk, qui ont tué au moins 20 civils et en ont blessé plus de 100 autres, dont des enfants. L'objectif serait donc désormais de frapper l'industrie de l'armement ukrainienne et les livraisons en provenance de l'Ouest, afin de perturber la production et la réparation d'armes ainsi que l'utilisation d'équipements militaires et de moyens de combat étrangers – un calcul stratégique qui devrait frapper de plein fouet la capacité de défense de l'Ukraine.

Un changement stratégique avec un objectif clair

Le commandement militaire russe a clairement changé de stratégie. C'est ce que reconnaît également l'expert militaire de l'EPFZ Marcel Berni, dans un entretien avec Blick. Mais cette tactique n'est toutefois pas nouvelle. «Il s'agit plutôt d'un retour à la conduite de la guerre aérienne russe de 2023.» Un changement stratégique qui avait déjà porté ses fruits à l'époque.

Pour la Russie, bombarder l'Ukraine de l'intérieur présente en effet peu de risques, explique Marcel Berni: «L'armée de l'air russe n'a même pas besoin de pénétrer dans l'espace aérien ukrainien, elle peut viser l'alimentation électrique du pays tout en restant à distance.»

Le calcul du chef du Kremlin Vladimir Poutine dans cette affaire semble donc clairs: «Moscou veut continuer à forcer Kiev à déployer sa maigre défense aérienne dans les villes, à l'écart du front, pour protéger l'approvisionnement en énergie et la population civile.» Car actuellement, l'Ukraine ne dispose pas de moyens suffisants pour protéger à la fois le front et les villes. Un état de faiblesse qu'a reconnu le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un message vendredi matin.

Zelensky face à un choix difficile

Si Zelensky veut protéger les infrastructures de l'Ukraine, il devra laisser ses soldats sans protection sur le front. «Ainsi, les unités militaires ukrainiennes, déjà décimées, seront encore plus affaiblies», explique Marcel Berni. Mais les soldats ukrainiens sont de toute façon déjà en mauvaise posture sur le front. 

C'est ce qu'écrit le groupe de réflexion américain «Institute for the Study of War» dans l'une de ses dernières analyses: «Les forces russes s'appuient généralement sur leur supériorité en termes de personnel et de matériel pour mener des attaques à un rythme relativement régulier contre les positions ukrainiennes le long de la ligne de front, dans l'espoir d'éroder les défenses ukrainiennes et de créer les conditions nécessaires à l'exploitation des points faibles de l'Ukraine.»

Zelensky doit donc prendre une décision difficile: des soldats ou des civils? Les deux sont sous la menace d'attaques de missiles incessantes. Le remède à ce dilemme serait de recevoir davantage d'armes de l'Occident. Vendredi matin, Zelensky a donc de nouveau exigé des systèmes Patriot de la part des alliés occidentaux. «Nos partenaires savent exactement ce qui est nécessaire», a déclaré Zelensky. «La vie doit être protégée de ces monstres de Moscou.»

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