Le monde entier fait les frais du bras de fer commercial lancé par les Etats-Unis depuis le retour de Trump à la Maison Blanche… et la Suisse ne fait pas exception. Washington a officiellement placé notre pays sur une liste d'Etats aux «méthodes commerciales déloyales». C'est ce qu'a confirmé Helene Budliger Artieda, directrice du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), dans une interview accordée aux titres de CH Media.
«On ne peut certainement pas nous accuser d'être injustes: la Suisse a unilatéralement supprimé ses droits de douane industriels, nous n'avons pas de droits de douane pharmaceutiques. Les entreprises américaines peuvent exporter leurs produits en Suisse sans payer ces frais.»
Derrière cette décision, on retrouve le délégué au commerce de Trump, Jamieson Greer. Celui-ci a invité les entreprises américaines à signaler les pratiques commerciales prétendument déloyales des pays partenaires. La Suisse a manifestement été dénoncée. «Il fallait malheureusement s'y attendre, explique Reto Föllmi, professeur de macroéconomie et de commerce extérieur à l'Université de Saint-Gall, à Blick. Le président Trump a fixé cinq critères dans un mémorandum. La Suisse est particulièrement visée en raison de sa balance commerciale et de sa politique monétaire – même si les Etats-Unis affichent un excédent important dans les services échangés avec la Suisse.»
«Une perte de prospérité»
A court terme, la décision n'aura pas de conséquences directes, selon lui. Mais Reto Föllmi affirme: «Il faut prendre cette liste et l'avertissement qui l'accompagne très au sérieux.» Car l'administration de Trump pourrait édicter des mesures sur la base de cette liste. Par exemple des droits de douane punitifs.
«Ceux-ci réduiraient fortement la compétitivité et les bénéfices des exportateurs suisses. Cela entraînerait une baisse des dividendes et probablement aussi des salaires dans le secteur exportateur, ce qui représenterait une perte de bien-être économique.»
Toutefois, le spécialiste relativise le danger immédiat. Il estime peu probable que la Suisse soit directement ciblée par des taxes douanières, notamment parce que l’Union européenne serait également impliquée dans la riposte commerciale. «Des droits de douane réciproques de l'UE entraîneraient un retrait des entreprises américaines, les exportateurs suisses pourraient également s'engouffrer dans cette brèche, pour autant que l'UE n'impose pas de son côté des droits de douane contre la Suisse», fait remarquer Reto Föllmi.
Comment sortir de la liste noire?
L’objectif de la Suisse est clair: sortir de cette liste au plus vite. Helene Budliger Artieda rappelle que la Confédération est un partenaire économique majeur des Etats-Unis. «La Suisse est le sixième plus grand investisseur étranger aux Etats-Unis et les entreprises suisses y créent près de 500'000 emplois, avec un salaire moyen de 131'000 dollars», insiste-t-elle.
Pour Reto Föllmi, il est clair que «la Suisse doit démontrer qu'elle ne poursuit pas de pratiques commerciales déloyales». L'essentiel, selon lui, est non seulement d'avancer des arguments, mais aussi de cibler ceux-ci en fonction des priorités de la politique commerciale des Etats-Unis. «A mon avis, les responsables commerciaux en Suisse le font bien. Ils ne sont pas bruyants, mais efficaces», déclare l'économiste à Blick.
Néanmoins, l’incertitude demeure. Tant que la doctrine «America First» de Trump fera loi, la Suisse est plus que jamais sous surveillance. Et le risque de droits de douane punitifs est réel. La question de savoir si et quand la Suisse sera retirée de la liste reste totalement ouverte. Mais une chose est sûre: Berne doit se faire entendre à Washington. Avant qu'il ne soit trop tard.