Mardi 5 mars, c'est le Super Tuesday qui démarre. Super? C'est comme ça qu'on l'appelle en tout cas… Ce ne sont pas moins de seize États et d'un territoire américains qui organisent leurs primaires pour la plus haute fonction du pays. D'habitude, c'est déjà ce jour qu'est élu le futur président des États-Unis.
Et cette année, les dés sont (déjà) jetés pour les primaires. L'ex-président Donald Trump sera à la tête des républicains. Quant aux démocrates, ils devraient à nouveau faire appel au président actuel Joe Biden. Ce sont les deux mêmes hommes qu'il y a quatre ans qui se disputent aujourd'hui le droit de résider à la Maison-Blanche.
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Une sélection bien maigre, jugent les médias. Un vieillard face à un homme tapageur. Pourquoi la démocratie la plus puissante du monde n'a-t-elle rien de mieux à proposer?
Les deux candidats ne sont pourtant pas si mauvais. Il est vrai que l'un a l'air grossier, l'autre fragile. Pour corriger l'image qu'on se fait de ces deux personnalités, un coup d'œil sur ce qu'ils ont accompli est nécessaire. Trump était un bon président, comme Biden est un bon président. Tant sur le plan militaire, économique et technologique, l'Amérique demeure la superpuissance dont l'hégémonie est incontestée.
Le républicain Donald Trump
Donald Trump n'a pas l'air d'être un compagnon agréable. Il apparaît souvent en colère, et son comportement est rarement très reluisant. Mais beaucoup de ses propos sont partagés par d'autres. Lorsqu'il a récemment déclaré qu'en tant que président américain, il ne défendrait pas les pays qui ne paient pas leur contribution à l'OTAN, la panique s'est répandue en Europe.
Or, on constate qu'en privé, les experts militaires sont d'accord avec lui. L'Europe doit bel et bien faire plus pour développer sa propre défense. Se reposer sur la force des États-Unis est une stratégie de faiblesse.
Dans les faits, le bilan de l'ex-président est bien meilleur que ce que beaucoup en disent. Sa politique d'immigration a vraisemblablement déchiré des familles entières. Il a aussi abandonné les Kurdes en Syrie. Le monde a été servi par ses mensonges, encore et encore. Mais beaucoup de choses ont tout de même fonctionné.
Une bonne politique extérieure
Prenons par exemple la politique extérieure. Certains de ses prédécesseurs l'ont confiée à des groupes de réflexion idéologiques – et ont récolté des résultats désastreux: la guerre en Irak ou encore le renforcement des mollahs iraniens. Au contraire, Donald Trump a fait appel à son propre gendre Jared Kushner (marié à Ivanka Trump). Et ça a plutôt bien marché. Israël s'est rapproché de plusieurs pays arabes et Donald Trump n'a pas déclenché de guerre.
Autre fait important, il a tenu tête à la Chine. D'abord avec son art oratoire, puis en imposant des droits de douane pour parer l'espionnage industriel de Pékin, mais aussi pour éviter le dumping des prix et les marchés fermés.
Belle époque pour les entreprises
Donald Trump est arrivé à la direction du pays en 2017, à la fin d'une période d'essor économique. Il l'a prolongée par une réforme fiscale rapidement adoptée. Conséquences: les bénéfices des entreprises ont augmenté. Elles ont donc embauché plus de personnel, ce qui a fait baisser le taux de chômage à 3,5%. La reprise a bénéficié non seulement aux riches, mais aussi aux plus nécessiteux.
L'Office américain de la statistique a recensé un taux de chômage historiquement bas chez les populations latino-américaines et afro-américaines. Si les salaires ont généralement augmenté de 3,1% en 2019, ceux des mères célibataires ont progressé de 7,6%. La pauvreté parmi les femmes afro-américaines et latino-américaines s'est significativement réduite.
Trump, social?
Donald Trump s'est montré social. À l'initiative de sa fille Ivanka Trump, il a introduit un congé parental rémunéré pour les fonctionnaires. Il a réussi à faire baisser le prix de beaucoup de médicaments. Les Américains sans assurance ont reçu gratuitement des médicaments de prévention contre le sida. Pour le sport, il a favorisé les États-Unis pour l'obtention de la Coupe du monde de football de 2026 et les Jeux olympiques d'été de 2028.
C'est maintenant aux électeurs, et plus tard aux historiens, de juger si l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021 a réduit en miettes ce bilan. Ce jour-là, c'est la démocratie elle-même que Donald Trump a mis en péril – sans doute le bien le plus important de tout président.
Le démocrate Joe Biden
Lorsque Joe Biden est entré à la Maison Blanche en janvier 2021, le monde est en pleine pandémie. Des gens meurent partout dans le monde. Un an plus tard, la Russie attaque l'Ukraine. Ces deux événements ont eu un impact déstabilisant sur l'économie: augmentation des prix et risque de récession. Joe Biden et son administration ont réussi une chose unique: endiguer l'inflation en évitant l'effondrement de l'économie américaine.
Maintenir la conjoncture
Il y avait une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. La banque centrale, qui agit de manière indépendante, a augmenté les taux d'intérêt pour freiner les prix. Pour y faire face, Joe Biden a fait adopter des programmes gouvernementaux par le Congrès, ce qui a permis de maintenir la conjoncture à la hausse. La secrétaire au Trésor Janet Yellen a limité les dépenses au minimum.
Le résultat est remarquable: l'économie américaine a connu une croissance de 3,1% l'année dernière, et l'inflation a baissé de près de 10% à 3%. La réaction de Wall Street était positive – les bourses américaines sont en pleine expansion.
Le président a sorti l'Amérique du gouffre ouvert par le Covid-19. Les entreprises et l'État ont créé 6,4 millions d'emplois sous sa présidence. Le taux de chômage est passé de 6,4% à 3,7%, presque aussi bas qu'avant la pandémie.
Soutien à l'Ukraine
Ses généraux et ses espions ont correctement prédit l'invasion russe de l'Ukraine début 2022, alors que presque tous les Européens pensaient que la Russie bluffait. Sans aucune hésitation, Joe Biden a soutenu l'Ukraine avec une aide militaire importante. Cela a freiné le président russe Vladimir Poutine et son armée. Mais après plus de deux ans de guerre, Joe Biden a de plus en plus de mal à convaincre ses compatriotes de financer une guerre qui paraît lointaine. Actuellement, le Congrès bloque un paquet d'aide important pour l'Ukraine.
Biden mise sur les alliés. Contrairement à Donald Trump, il pense que l'Amérique sera plus en sécurité si elle coopère avec d'autres États en Europe et en Asie. Joe Biden a contribué à surmonter les tensions entre la Corée du Sud et le Japon. Il a conclu des alliances de défense avec les Philippines et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, et a renforcé ses relations avec l'Inde et l'Australie. Tout cela avait pour but de contribuer à endiguer la puissance diplomatique, économique et militaire croissante de la Chine dans la région indo-pacifique.
Il prolonge ainsi les tensions économiques de Donald Trump avec la Chine. Désormais, des inspecteurs financiers américains pourront contrôler les comptes des entreprises basées en Chine et à Hong Kong. Avec des subventions publiques de plus de 50 milliards de dollars, Joe Biden encourage la production de puces électroniques aux États-Unis. Cela doit permettre de réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine.
Après trois ans et demi de Joe Biden, les États-Unis se portent plutôt bien. S'il était en meilleure forme, il n'aurait pas à avoir peur pour sa réélection – même s'il a totalement échoué le retrait des troupes américaines d'Afghanistan.