Rendons d’abord au quotidien français Libération ce qui lui appartient: c’est dans ses colonnes que le duel législatif le plus fratricide de Suisse a été révélé mardi. Lors d’un échange avec Blick ces jours-ci, la candidate de la Nouvelle Union Populaire Sociale et Ecologique (Nupes) Magali Mangin, ressortissante française installée en Suisse Alémanique depuis plusieurs années, et employée dans le secteur pharmaceutique à Zoffingue (AG), n’avait pas mentionné le nom de son suppléant Fabian Rousseau.
Et pour cause: ce dernier l’accuse désormais ouvertement d’être «une lobbyiste de Big Pharma», au point d’appeler à la faire battre. Drôle d’ambiance chez les Mélenchonistes qui espéraient profiter de l’engouement national suscité, en France, par le leader de la gauche radicale, arrivé en troisième position au premier tour de la présidentielle avec 21,95% des voix, ratant de peu la qualification en finale face à Emmanuel Macron. Ceci, alors que le vote électronique des Français de l’étranger a commencé depuis le 27 mai, et que le premier tour «physique» a lieu ce dimanche 5 juin (contre le 12 juin sur le territoire français).
Coup de poignard électoral
Le coup de poignard électoral de Fabian Rousseau a aussitôt été dénoncé sur Twitter par l’entourage de la candidate qui sillonne en ce moment la Suisse et doit tenir le 2 juin une rencontre à Genève. «Notre campagne entend proposer aux 148’000 électeurs français de Suisse une véritable alternance, nous avait-elle expliqué ce week-end. Il n’y a pas de raisons que cette 11e circonscription des Français de l’étranger soit irrémédiablement associée à la droite. J’ai une vraie chance.
La détermination de Magali Mangin, qui promet de se battre pour «la fin des jobs précaires» en France et plaide «pour un vrai programme de lutte populaire, visant à réparer des situations qui se sont dégradées, dans la santé par exemple» va donc maintenant être mise à rude épreuve. Aucune réaction officielle de Jean-Luc Mélenchon ou de la direction de la Nupes n’a jusque-là eu lieu.
La droite s’empresse d’en profiter
Sans surprise, les adversaires de Magali Mangin espèrent profiter de sa mauvaise posture. Le candidat du parti Reconquête d’Eric Zemmour, Philippe Tissot, consultant dans le domaine de la sécurité monétaire basé à Lutry (VD), l’a confié à Blick: «Ce duel entre Mélenchonistes contraste avec la mobilisation cristallisée par de nombreux points de ma candidature: chef d’entreprise, local, père de famille, connaissance de la Suisse, discours structuré, respectueux. Bref, sérieux.»
L’économiste Marc Ferracci, candidat du parti présidentiel «Renaissance» et donné favori malgré son absence d’enracinement professionnel ou familial en Suisse, n’a pas lui commenté les échanges acerbes au sein de la Nupes. Mais il souligne à Blick qu’en matière de marché du travail, sa connaissance fine des dossiers — il a conseillé plusieurs ministres sur le sujet — sera bien plus utile que des promesses sociales «jetées en l’air»: «Il y a dans le système suisse des remèdes utiles pour dynamiser l’emploi en France. C’est cela que je défends. Les électeurs de Suisse et du Liechtenstein méritent un candidat crédible.»
Manière, dans la bouche de ce très proche d’Emmanuel Macron, de rompre avec le parcours chaotique du député sortant: l’ex-macronien Joachim Son Forget, qui se représente. Lequel confirme, pour sa part à Blick, «qu’être de gauche radicale en travaillant pour la pharma, cela pose effectivement de vraies questions. En ce qui me concerne, je suis un libéral qui assume. Personne ne peut me prendre en défaut là-dessus.»
Le «ticket» de la NUPES ne peut pas être dissout
Blick a tenté sans succès de recontacter Magali Mangin ce mardi pour avoir sa version des faits de son duel fratricide avec son suppléant. Le dépôt des candidatures étant clos, leur «ticket» ne peut pas être dissous.
Fabian Rousseau sera-t-il présent à Genève le 2 juin pour protester contre celle qu’il devait épauler? «Il y a eu un déni démocratique dans le choix de la candidate qui [nous] a été imposée par le national» affirme-t-il à Libération. Le quotidien français précise qu’une lettre des «Insoumis» (sympathisants du mouvement «La France insoumise» de Mélenchon) a été écrite dès le 11 mai à ce parti pour contester la nomination de l’actuelle candidate. Le grand déballage mélenchoniste en Helvétie ne fait peut-être que démarrer.