Selon un expert en terrorisme
Les autorités auraient pu empêcher l'attentat de Bruxelles

Un extrémiste islamiste a tué deux personnes lundi à Bruxelles, dont un homme qui habitait dans le canton de Berne. Blick s'est rendu sur les lieux, et s'est entretenu avec un habitant du quartier, un expert en terrorisme et un imam.
Publié: 21.10.2023 à 15:59 heures
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Dernière mise à jour: 21.10.2023 à 16:25 heures
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Lundi, un islamiste a tué deux personnes à Bruxelles.
Photo: Screenshot
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Nicolas Lurati et Pascal Scheiber

La tension est palpable à Bruxelles. Quatre jours après l'attentat contre deux supporters de football suédois dans la capitale belge, les habitants comme les touristes sont toujours nerveux, et les sirènes des voitures de police omniprésentes.

Nous sommes lundi soir lorsque le terroriste islamiste Abdesalem L.* abat deux hommes. L'un d'eux est un employé des CFF du canton de Berne, Patrick L.*.

Vendredi, Blick s'est rendu dans la capitale, et plus précisément dans le quartier dans lequel s'est produit l'attentat. Au bord de la route se tiennent plusieurs hommes, dont Lahcen Hammouch, 52 ans. Il est entrepreneur dans les médias, et connaît la scène musulmane de Bruxelles.

Parcourir le quartier avec un connaisseur

Il accompagne Blick dans ce quartier. Les habitants respectent beaucoup Lahcen Hammouch, cela se sent dans leurs regards. «Ce sont des demandeurs d'asile qui cherchent du travail. Ils traînent ici parce qu'il y a un grand centre d'hébergement pour eux à proximité.»

D'un coup, une demi-douzaine d'hommes se précipitent vers une voiture noire. «L'homme dans la voiture veut les embaucher comme travailleurs journaliers, dit Lahcen Hammouch. Comme bricoleur ou jardinier. Chacun des hommes veut absolument un travail.» Ceux qui ne l'obtiennent pas tentent de se procurer de l'argent d'une autre manière. Vendre de la drogue est une solution. «Ou alors, ils volent.»

Un coin de rue plus loin apparaît un immense parterre de fleurs, ainsi que des maillots de foot suédois. C'est ici que le tueur a frappé lundi. Les gens passent régulièrement, et s'arrêtent. «Soyez prudents avec votre appareil photo et votre micro», met en garde Lahcen Hammouch. Car ce sont surtout les jeunes hommes qui n'aiment pas voir les journalistes ici. «Ils trouvent que les médias les présentent, eux et Bruxelles, sous un jour très négatif. Si quelqu'un fait l'idiot, je le réprimande en arabe», explique ce Marocain d'origine.

«Susceptible de tomber dans les mains des islamistes»

Il devient sérieux lorsqu'il parle du terroriste. «Il a une histoire très difficile ici en Belgique. Le tueur était un demandeur d'asile débouté.» Selon lui, le meurtrier n'avait aucune perspective d'avenir, ce qui l'a rendu psychologiquement instable. «Malheureusement, avec ce profil, il était susceptible de tomber entre les mains des islamistes.»

Mais même dans ces circonstances, le crime aurait pu être évité, est convaincu Claude Moniquet, expert en terrorisme. Cet homme de 65 ans a travaillé pour les services secrets français à l'étranger et a été homme politique et journaliste. Il explique: «Les autorités ont envoyé une lettre à Abdesalem pour lui dire qu'il devait quitter le pays, mais ne savaient soi-disant pas où il se trouvait.» Pourtant, «il vivait avec sa femme, officiellement enregistrée en Belgique et dont on connaît l'adresse. Sa fille suit le système scolaire. Tous les commerçants du quartier l'ont trouvé, sauf les autorités.»

Reproche aux autorités

Ce n'est que mardi, quelques heures après l'attentat, que la police a retrouvé sa trace. «Proche de son domicile», souligne Claude Moniquet. Sa conclusion: «Si les autorités avaient fait un peu d'efforts, elles auraient trouvé l'homme avant qu'il ne passe à l'acte. On lui aurait fait savoir qu'il devait quitter le pays et on l'aurait conduit à l'aéroport. Lundi soir, il n'y aurait pas eu d'attentat.»

Il formule sa critique envers le gouvernement. «Il était connu comme délinquant, on savait depuis des années qu'il s'était radicalisé. Mais ces informations n'ont visiblement pas intéressé les dirigeants du pays. Ils sont incapables de planifier ou d'anticiper les dangers. Ils se réveillent toujours après les attentats.»

L''imam Mouhameth Galaye Ndiaye est plus que conscient de sa responsabilité dans ce genre de situation. Il est l'ancien imam de la grande mosquée de Bruxelles, directeur de l'institut islamique Al-Mihrab en Belgique et président de l'association des musulmans africains de Belgique. Il prêche actuellement dans diverses mosquées de Bruxelles. Il souligne: «Nous, les imams, avons été les premiers à condamner l'acte terroriste de lundi. Ce que cet homme a fait est à l'opposé de ce que l'islam implique.»

Des messages clairs

Il est également conscient du danger de la généralisation. «Après chaque crime islamiste, on considère tous les musulmans comme des terroristes. Bien sûr, ce n'est pas le cas. Il ajoute: L'homme qui a tué deux personnes lundi a agi en son nom, pas au nom de l'islam ni au nom des musulmans.»

C'est pourquoi il est désormais important, selon lui, que les imams de Belgique se serrent les coudes. «Nous avons besoin d'imams qui diffusent des messages clairs, qui sont tolérants et modérés, qui dissipent les ambiguïtés et qui prêchent la paix, affirme Mouhameth Galaye Ndiaye. Des imams qui se considèrent comme des citoyens belges, qui se comportent comme tels et qui aiment leur pays.» Sa conclusion est limpide. «Nous devons tout faire pour mettre fin à la terreur islamiste.»

* Noms connus

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