Recep Tayyip Erdogan contre Kemal Kilicdaroglu, ou le nationalisme islamo-conservateur contre un nouveau départ social: tel est le duel politique qui tiendra la Turquie en haleine dès ce dimanche 14 mai. Deux semaines plus tard, soit le 28 mai, on saura lequel des deux hommes gouvernera le pays de 86 millions d'habitants pour les cinq prochaines années.
Pour la première fois depuis son élection à la tête du gouvernement en 2003, il semble qu'Erdogan pourrait être devancé par son concurrent. Une question demeure: acceptera-t-il le résultat du scrutin, quel qu'il soit?
L'opposition craint de fait qu'Erdogan s'accroche de toutes ses forces au pouvoir. «Mon peuple ne livrera pas le pays à un président soutenu par le PKK», grondait le principal intéressé il y a quelques jours seulement. L'homme est habitué à stigmatiser régulièrement le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme un gang terroriste. Il accuse son adversaire Kemal Kilicdaroglu d'être politiquement proche de ses dirigeants. Le ministre de l'Intérieur d'Erdogan, Süleyman Soylu, accuse quant à lui ouvertement l'Occident de préparer en secret un «coup» lors des élections turques.
À Istanbul, Erdogan a doublement perdu
Les élections à la mairie d'Istanbul, une métropole de 16 millions d'habitants, ont montré il y a quatre ans à quel point Erdogan supportait mal les défaites politiques. Son favori avait été battu de justesse par le candidat de l'opposition. Aigri, le président s'est mis en colère et a ordonné un nouvel appel aux urnes. Mal lui en a pris: le protégé d'Erdogan a perdu si nettement que le gouvernement turc a dû céder le contrôle politique de la plus grande ville du pays en grinçant des dents.
Muharrem Ince, un des quatre candidats à la présidentielle turque du 14 mai, a annoncé jeudi le retrait de sa candidature, une décision susceptible de favoriser l'élection de Kemal Kiliçdaroglu, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.
«Je retire ma candidature», a déclaré lors d'une conférence de presse le chef du parti Memleket (Patrie), qui était crédité de 2 à 4% des intentions de vote dans les dernières enquêtes d'opinion.
Plusieurs cadres de son parti avaient démissionné ces derniers jours, s'inquiétant que la candidature de Muharrem Ince empêche Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une alliance réunissant six partis de l'opposition, de l'emporter face au président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans.
«Je ne veux pas qu'ils aient d'excuses»
Muharrem Ince a justifié sa décision en affirmant que l'alliance de l'opposition «rejettera toute la faute» sur lui si elle perd. «Je ne veux pas qu'ils aient d'excuses», a-t-il lancé.
Muharrem Ince avait été en 2018 le candidat malheureux du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) à la présidentielle, battu au premier tour par Recep Tayyip Erdogan. Il avait lancé en mai 2021 sa propre formation nationaliste laïque.
Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, est donné en bonne posture face au président Erdogan, confronté pour la première fois en vingt ans à une opposition unie.
La dernière enquête d'opinion rendue publique jeudi par le réputé institut Konda créditait M. Kiliçdaroglu de 49,3% des suffrages au premier tour, contre 43,7% pour M. Erdogan et 2,2% pour Muharrem Ince.
Un quatrième candidat, Sinan Ogan, pourrait récolter 4,8% des voix. Selon un sondage de l'institut Metropoll réalisé début avril, le retrait de Muharrem Ince devrait profiter davantage à Kemal Kiliçdaroglu qu'au chef de l'Etat sortant.
Le président Erdogan, 69 ans, affrontera dimanche son élection la plus incertaine depuis son arrivée au pouvoir en 2003, d'abord comme Premier ministre.
Les Turcs de l'étranger sont mobilisés
Le chef de l'Etat, qui a vu sa popularité entamée par la crise économique qui frappe son pays, a promis jeudi de doubler le salaire des fonctionnaires, après avoir déjà annoncé mardi une hausse des salaires de 45% pour 700'000 employés du secteur public. Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans, promet un retour au jeu démocratique.
Outre l'appui de sa coalition, le candidat a obtenu le soutien du Parti démocratique des peuples (HDP), principal parti prokurde du pays et troisième force politique du pays.
Dans la ville conservatrice de Sivas, Kemal Kiliçdaroglu a répété jeudi qu'il protégerait les droits de tous les Turcs.
Plus de 1,8 million de Turcs ont déjà voté depuis l'étranger et dans les bureaux de douanes, selon les chiffres du Haut comité électoral turc.
«Nous avons atteint une participation record à l'étranger par rapport aux précédentes élections», s'est félicité le vice-ministre turc des Affaires étrangères Yasin Ekrem Serim.
Il y a cinq ans, les Turcs de l'étranger, qui constituent 5% environ des 64,1 millions d'électeurs turcs, avaient voté dès le premier tour à près de 60% pour Recep Tayyip Erdogan, contre 52,6% pour l'ensemble des Turcs.
Muharrem Ince, un des quatre candidats à la présidentielle turque du 14 mai, a annoncé jeudi le retrait de sa candidature, une décision susceptible de favoriser l'élection de Kemal Kiliçdaroglu, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.
«Je retire ma candidature», a déclaré lors d'une conférence de presse le chef du parti Memleket (Patrie), qui était crédité de 2 à 4% des intentions de vote dans les dernières enquêtes d'opinion.
Plusieurs cadres de son parti avaient démissionné ces derniers jours, s'inquiétant que la candidature de Muharrem Ince empêche Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une alliance réunissant six partis de l'opposition, de l'emporter face au président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans.
«Je ne veux pas qu'ils aient d'excuses»
Muharrem Ince a justifié sa décision en affirmant que l'alliance de l'opposition «rejettera toute la faute» sur lui si elle perd. «Je ne veux pas qu'ils aient d'excuses», a-t-il lancé.
Muharrem Ince avait été en 2018 le candidat malheureux du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) à la présidentielle, battu au premier tour par Recep Tayyip Erdogan. Il avait lancé en mai 2021 sa propre formation nationaliste laïque.
Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, est donné en bonne posture face au président Erdogan, confronté pour la première fois en vingt ans à une opposition unie.
La dernière enquête d'opinion rendue publique jeudi par le réputé institut Konda créditait M. Kiliçdaroglu de 49,3% des suffrages au premier tour, contre 43,7% pour M. Erdogan et 2,2% pour Muharrem Ince.
Un quatrième candidat, Sinan Ogan, pourrait récolter 4,8% des voix. Selon un sondage de l'institut Metropoll réalisé début avril, le retrait de Muharrem Ince devrait profiter davantage à Kemal Kiliçdaroglu qu'au chef de l'Etat sortant.
Le président Erdogan, 69 ans, affrontera dimanche son élection la plus incertaine depuis son arrivée au pouvoir en 2003, d'abord comme Premier ministre.
Les Turcs de l'étranger sont mobilisés
Le chef de l'Etat, qui a vu sa popularité entamée par la crise économique qui frappe son pays, a promis jeudi de doubler le salaire des fonctionnaires, après avoir déjà annoncé mardi une hausse des salaires de 45% pour 700'000 employés du secteur public. Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans, promet un retour au jeu démocratique.
Outre l'appui de sa coalition, le candidat a obtenu le soutien du Parti démocratique des peuples (HDP), principal parti prokurde du pays et troisième force politique du pays.
Dans la ville conservatrice de Sivas, Kemal Kiliçdaroglu a répété jeudi qu'il protégerait les droits de tous les Turcs.
Plus de 1,8 million de Turcs ont déjà voté depuis l'étranger et dans les bureaux de douanes, selon les chiffres du Haut comité électoral turc.
«Nous avons atteint une participation record à l'étranger par rapport aux précédentes élections», s'est félicité le vice-ministre turc des Affaires étrangères Yasin Ekrem Serim.
Il y a cinq ans, les Turcs de l'étranger, qui constituent 5% environ des 64,1 millions d'électeurs turcs, avaient voté dès le premier tour à près de 60% pour Recep Tayyip Erdogan, contre 52,6% pour l'ensemble des Turcs.
Désormais, le président turc fait tout pour éviter une défaite. Et il s'y est pris un peu en avance cette fois-ci. Il a récemment présenté le premier porte-avions turc d'un coût de 900 millions et a promis d'augmenter à nouveau en juillet le salaire minimum, actuellement de 8500 lires (390 francs).
Lors de meetings de campagne à Izmir et Istanbul, Blick s'est entretenu avec des partisans d'Erdogan et de Kilicdaroglu. Du côté du président en place, on dit à l'unisson qu'en cas de défaite, l'ingérence des États-Unis dans la campagne électorale en sera la principale cause. «En fin de compte, la volonté de Dieu sera faite», promet Mujahid, un partisan d'Erdogan. Paradoxalement, l'opposition va dans le même sens: le président ne quittera pas son poste comme ça, après 20 ans au pouvoir. «S'il perd, ce sera la guerre civile ici», assure Fikret, un électeur de Kilicdaroglu.
Où sont les milliers d'armes à feu?
Erdogan lui-même répand parmi ses partisans la peur que sa destitution entraîne la disparition totale des mœurs en Turquie. Depuis la chute des dirigeants islamistes en Libye et en Égypte, en 2011 et 2013 – et plus encore depuis l'éclatement des crises politiques en Iran et au Soudan – il est clair qu'une défaite d'Erdogan le 28 mai porterait un coup dur à l'islam politique, qui perdrait son plus puissant défenseur.
L'enjeu est de taille. Le candidat de l'opposition Kilicdaroglu a personnellement exhorté ses partisans à ne pas fêter dans la rue une éventuelle défaite d'Erdogan. Le risque d'affrontements avec des groupes armés est réel.
Il faut dire que l'on ne sait toujours pas où se trouvent les milliers d'armes à feu que le gouvernement turc avait distribuées à ses partisans pour répliquer à la tentative de coup d'État de l'été 2016. Il reste à espérer qu'elles ne réapparaîtront pas au pire moment et qu'Erdogan se défendra contre la défaite qui le menace avec des armes exclusivement démocratiques.