Dès le début de la pandémie au printemps 2020, les États ont défini des indicateurs pour naviguer dans l’océan de données et orienter leurs décisions face à l’ampleur de la crise. L’un des facteurs retenus a vite été celui de l’occupation des lits de soins intensifs. L’objectif ultime était d’éviter leur surcharge, afin de ne pas avoir à prioriser les patients selon la gravité de leur état. C’est en tenant compte de cet indicateur majeur qu’ont été décidés confinements, interdictions de manifestations et autres fermetures des lieux publics, aussi bien durant la première que la deuxième vague.
Mais pouvait-on s’y fier? En Allemagne, on apprend en effet que des hôpitaux auraient délibérément fourni de fausses informations. Le nombre de lits libres indiqués était inférieur au nombre de lits réellement disponibles. C’est le résultat d’un nouveau rapport de la Cour fédérale des comptes, repris par des journaux allemands comme le tabloïd «Bild».
Indiquer un nombre de lits occupés plus important permettait en effet d’encaisser davantage de paiements compensatoires de la part de l’État. En effet, l’État fédéral allemand avait décrété que dès novembre 2020, les hôpitaux d’un district avec un taux d’occupation de 75% des lits et une incidence au-delà de 50 recevraient des paiements compensatoires.
Les chiffres, manipulés par certains hôpitaux, ont été communiqués à l’association de soins intensifs et de médecine d’urgence DIVI, qui à son tour publiait alors un aperçu de l’occupation des lits à l’échelle du pays entier. Ces aperçus ont enfin été utilisés par le gouvernement comme base de décision pour les mesures de gestion de la pandémie.
Le gouvernement fédéral était apparemment au courant
Par ailleurs, les hôpitaux ne perçoivent pas directement les indemnités. L’argent ruisselle d’abord du gouvernement fédéral aux Bundesländer, puis aux régions. Ce n’est qu’après que les paiements parviennent aux hôpitaux.
D’après la presse allemande, l’Institut Robert Koch (RKI) et le gouvernement fédéral étaient au courant de l’escroquerie. Dès le 11 janvier 2021, l’Institut aurait exprimé des soupçons dans une lettre adressée au ministère fédéral de la Santé que les hôpitaux fournissaient de fausses informations sur l’occupation de leurs départements de soins intensifs. La vue d’ensemble des lits libres n’était donc plus adaptée pour évaluer l’étendue de la pandémie. Pourtant, c’est exactement ce que le gouvernement a continué à faire. Des mesures telles que la «Bundesnotbremse», un ensemble de restrictions entrées en vigueur en avril, étaient basées entre autres sur le fait que les hôpitaux étaient surchargés.
Si le gouvernement n’a rien dit, il a néanmoins mis un terme en début d’année au règlement qui liait les paiements compensatoires aux chiffres d’occupation des soins intensifs. Le rapport du Contrôle fédéral des finances cité par le «Bild» indique que Berlin devrait demander aux hôpitaux et aux États de se justifier, si des demandes de compensation ostensiblement exagérées devaient être découvertes.