Un avion de ligne s'est crashé mercredi près de la ville kazakhe d'Aktaou, sur la côte de la mer Caspienne. Sur les 67 personnes à bord – dont 5 membres de l'équipage – au moins 38 personnes sont décédées, d'après le dernier bilan. Les autorités azerbaïdjanaises ont pointé du doigt jeudi, tout comme un responsable américain sous couvert de l'anonymat, le système de défense antiaérien russe. Mais aucun des pays impliqués n'a pour l'heure publiquement confirmé cette version, et la Russie a mis en garde plus tôt contre les «hypothèses» formulées avant la fin de l'enquête. Les autorités du Kazakhstan, proche allié de la Russie, ont aussi dénoncé des «spéculations».
Cet appareil Embraer 190 avec 67 personnes à bord assurait mercredi un vol entre Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, et Grozny, capitale de la république caucasienne russe de Tchétchénie. Il s'est écrasé dans des circonstances encore floues et a pris feu près d'Aktaou, un port de la mer Caspienne situé dans l'ouest du Kazakhstan et loin de son itinéraire normal.
L'Azerbaïdjan pense qu'un missile russe sol-air, tiré à partir d'un système de défense aérienne Pantsir-S près de Grozny, a causé la chute de l'avion, a indiqué Caliber, un site azerbaïdjanais pro-gouvernemental, en citant des responsables de ce pays sous couvert d'anonymat. Le journal américain «The New York Times», la chaîne Euronews ainsi que l'agence de presse officielle turque Anadolu, ont publié des informations similaires. Des sources gouvernementales azerbaïdjanaises ont en outre déclaré à Euronews que l'avion endommagé n'a pas été autorisé à atterrir sur les aéroports russes malgré les demandes des pilotes pour un atterrissage d'urgence, et qu'il a reçu l'ordre de traverser la mer Caspienne.
Des trous visibles dans la carlingue
L'appareil devait atterrir en Tchétchénie, où des attaques de drones ukrainiens avaient été rapportées ces dernières semaines. Mercredi, les autorités russes avaient fait part de frappes de drones dans deux régions voisines de la Tchétchénie, l'Ossétie du Nord et l'Ingouchie, à des centaines de kilomètres de la ligne de front ukrainienne.
La piste d'un missile russe avait été évoquée par des experts militaires et d'aviation, qui citaient notamment les trous visibles sur le fuselage de l'avion. «Les traces qu'on voit sur l'avion laissent quand même penser que c'est assez probable» qu'il ait été abattu par un missile, a déclaré à l'AFP Jean-Paul Troadec, ancien directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA).
«Cela rappelle le MH17»
Un blogueur et expert militaire russe, Iouri Podoliaka, a assuré sur Telegram que ces traces étaient similaires à celles qui pourraient être causées par «un système de missiles antiaériens».
Un ancien expert du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) a évoqué à l'AFP qu'il avait «le témoignage d'un passager qui aurait reçu des éclats dans son gilet de sauvetage». Selon cet expert, qui témoigne de façon anonyme, cela «rappelle le MH17», en évoquant l'explosion en vol au-dessus de l'Ukraine en 2014 de cet avion de Malaysia Airlines parti d'Amsterdam, imputée par la justice néerlandaise au tir d'un missile russe. Le crash avait fait 298 morts.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a estimé jeudi qu'«il serait inapproprié d'émettre des hypothèses avant les conclusions de l'enquête». Le président du Sénat kazakh, chambre haute du Parlement du Kazakhstan, Maoulen Achimbaïev, a pour sa part assuré qu'il n'était «pas possible» de dire pour l'instant la cause de cette catastrophe.
Impacts d'oiseaux évoqués
De son côté, Azerbaijan Airlines a affirmé dans un premier temps que l'avion avait percuté une nuée d'oiseaux, avant de retirer cette information. Cette version a aussi été évoquée mercredi par l'agence de l'aviation civile russe (Rosaviatsia). Mais des experts ont néanmoins mis en doute cette hypothèse. Des impacts d'oiseaux sur la structure, «ça n'empêche pas l'avion de voler», a ainsi estimé l'ancien expert du BEA. Le ministre des transports du Kazakhstan Marat Karabaïev a évoqué jeudi «l'explosion d'un ballon» à bord.
Une enquête a été ouverte dans ce pays d'Asie centrale pour «violation des règles de sécurité et d'exploitation du transport aérien». Deux boîtes noires ont été retrouvées, selon un procureur régional kazakh cité par l'agence de presse Kazinform.
Dernier vol fatal à une hôtesse de l'air
Selon le ministère kazakh des Situations d'urgence, «29 survivants, parmi lesquels trois enfants, ont été hospitalisés». A bord de l'appareil se trouvaient 37 Azerbaïdjanais, six Kazakhs, trois Kirghizes et 16 Russes, selon le ministère kazakh des Transports. Quatorze des survivants sont attendus jeudi en Azerbaïdjan, où une journée de deuil national a été décrétée jeudi par le président Ilham Aliev. Neuf blessés russes, dont un enfant, ont eux été ramenés à Moscou, selon le ministère russe des Situations d'urgence.
Jalil Aliev, père d'une hôtesse de l'air, Hokoumé Alieva, tuée dans le crash, a raconté à l'AFP par téléphone que cela aurait dû être son dernier vol avant qu'elle ne change de travail. «Pourquoi sa jeune vie a fini de manière si tragique?», a-t-il dit, d'une voix tremblante.