Reconstruire le pays
Aider l'Ukraine à adhérer à l'UE: un cauchemar financier

L'Ukraine va-t-elle obtenir ces prochains jours le statut officiel de «candidat immédiat» à l'Union européenne? Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi s'y sont engagés jeudi à Kiev. L'addition s'annonce faramineuse.
Publié: 16.06.2022 à 18:43 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 14:51 heures
La reconstruction de l'Ukraine détruite pourrait coûter 2000 milliards d'euros. Au moins.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Personne n’ose avancer des chiffres. À Kiev ce jeudi, lors de leur conférence de presse commune au palais présidentiel avec Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron, Mario Draghi et Olaf Scholz ne se sont pas aventurés sur ce terrain. Et pour cause: la reconstruction de l’Ukraine, indispensable pour lui permettre d’espérer une intégration au sein de l’Union européenne (UE) d’ici à la prochaine décennie, s’annonce comme l’une des opérations les plus coûteuses de l’histoire du continent.

Plus de 2000 milliards d’euros

Les premiers montants évoqués, entre 500 et 700 milliards d’euros pour le coût estimé des destructions, sont désormais oubliés et remisés dans les placards de la Commission européenne qui doit, vendredi, présenter ses premières recommandations sur la candidature de l’Ukraine à l’UE. Les vingt-sept Chefs d’État ou de gouvernement l'examineront à leur tour lors d’un sommet à Bruxelles les 23 et 24 juin.

En trois mois de guerre, la facture atteindrait déjà, selon le «Financial Times», plus de 2000 milliards d’euros, soit presque l’équivalent du produit intérieur brut annuel de la France. Une somme faramineuse qui tient compte à la fois des destructions provoquées par les bombardements massifs, et de la nécessité de moderniser les infrastructures du pays pour espérer accéder aux portes de l’Union.

Trois fois le montant du plan «Next Generation EU»

Deux mille milliards, soit trois fois le montant du plan de relance communautaire de 750 milliards d’euros lancé en 2020 et financé, pour la première fois, par un emprunt européen, cette fameuse mutualisation des dettes que l’Allemagne et les pays «frugaux» du nord ont longtemps refusée. Mario Draghi, le président du Conseil italien qui dirigeait auparavant la Banque centrale européenne (BCE), connaît toutes ces données par cœur.

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Dans la plus grande discrétion, les experts financiers de la BCE, gardienne de la stabilité de l’euro, planchent déjà sur une formule comparable pour panser les plaies de la guerre déclenchée par Vladimir Poutine: à savoir un nouveau plan de relance destiné à rebâtir l’Ukraine, à l’image du plan Marshall conçu par les États-Unis pour l’Europe occidentale au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Le symbole serait extraordinaire.

Mais attention: le fardeau économique et financier sera bien plus lourd. En 1945, le continent européen détruit pouvait compter sur une puissance américaine au sommet. Aujourd’hui, la reconstruction de l’Ukraine viendra s’ajouter au coût déjà très important engendré par la transition énergétique.

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Soutien européen total

Emmanuel Macron et ses homologues ont promis à Volodymyr Zelensky un soutien total. Mais ils ont aussi commencé à parler d’une feuille de route qui, immanquablement, accompagnera le processus d’adhésion de l’Ukraine. On en connaît le contenu: un énorme paquet de lois et de régulations à faire adopter par les autorités de Kiev pour les rendre eurocompatibles au fil des années.

Sauf que la guerre déclenchée par la Russie change tout. Lorsqu’ils ont demandé à adhérer à l’Union européenne à la fin des années 1990, les anciens pays du bloc soviétique étaient à genoux sur le plan économique. Leurs infrastructures étaient incompatibles avec celles des pays de l’Ouest. Mais ils étaient en paix. Comment reconstruire un pays en guerre et l’amener au niveau exigé pour adhérer à l’Union? Même si les entreprises européennes se frottent les mains en théorie, personne n’a aujourd’hui la réponse à ce casse-tête.

Et l’axe Russie-Chine?

Le paradoxe est qu’il existe, sur le papier, un partenaire tout trouvé pour contribuer à la reconstruction future de l’Ukraine: la Russie et la Chine. La première dispose, on le sait, d’immenses ressources naturelles. La seconde est capable de mettre à contribution ses immenses moyens industriels et technologiques.

Au fond: reconstruire l’Ukraine, ce pays de 44 millions d’habitants que le conflit est en train d’assommer, pourrait être un formidable projet de coopération entre puissances. Un rêve. La vérité est que l’essentiel du fardeau financier incombera à coup sûr aux Européens. Lesquels devront affronter simultanément l’explosion des coûts de l’énergie due à l’interruption des approvisionnements en hydrocarbures russes.

L’adhésion future de l’Ukraine à l’Union européenne ne s’annonce pas seulement comme un cauchemar politique et diplomatique. Elle sera aussi un cauchemar financier. À Bruxelles, Rome, Berlin et Paris, tout le monde l’a compris. L’incertitude la plus forte sur nos démocraties menacées par Poutine sera peut-être, dans les années à venir, celle du carnet de chèques.

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