En robe rouge, une chaîne en or avec l’ordre du village autour du cou et des petites bottes étincelantes, Patrick trottine dans le parc de Cockington, en Angleterre. «Comment va le maire aujourd’hui? Longue vie à lui!» Un promeneur lui tire son chapeau au passage et le salue. Le maire reste imperturbable. Ce qui n’est pas inhabituel: Patrick est un poney.
Depuis près de six mois, il trône à la mairie du village de Cockington, dans le comté anglais du Devon. Comment est-ce possible? Kirk et Hannah Petrakis haussent les épaules. «Un jour, quelqu’un a soulevé l'idée que Patrick devrait être maire», se souviennent ceux qui ont longtemps tenu une entreprise de chevaux et de calèches dans le village. Le poney a élu domicile chez eux.
Dans le pub du village, nommé The Drum Inn, le dénommé Patrick – son anniversaire tombe le 17 mars – était déjà une célébrité à ce moment-là. Dans un petit enclos du jardin, il accueillait les enfants, les personnes handicapées et tous ceux qui avaient besoin de compagnie.
Patrick peut à peine faire quelques mètres
L’idée de mettre Patrick à la tête de Cockington est née lors d’une collecte de fonds. L’ancien maire de Cockington était décédé quelques années auparavant et le poste, plus représentatif qu’autre chose, était resté vacant depuis lors. Près de 220 soutiens ont alors signé une pétition. Cette dernière a été suivie d’une cérémonie solennelle avec bénédiction, à laquelle le poney a même fait une apparition.
Pour le couple Petrakis, la vie a bien changé depuis. S’attendaient-ils à toute cette attention? Ils sourient: «Si nous pensions que Patrick se retrouverait dans le 'Washington Post'? Non, certainement pas!»
Aujourd’hui, le plus célèbre des canassons peut à peine faire quelques mètres sans que les gens s’arrêtent pour admirer sa crinière crépue. Tous les locaux et personnes des environs savent à qui ils ont affaire. Le poney est une véritable mascotte. «Nous travaillons actuellement sur un projet, une visite virtuelle de la ville, dans laquelle Patrick apparaît», glisse avec fierté Nicola Shinner, qui croise le poney sur la place du village avec deux amies. Toutes trois suivent un cours de tourisme au South Devon College. «Mais nous ne savions pas qu’il serait là aujourd’hui», sourient-elles.
Son enclos n’avait pas l’autorisation de construction nécessaire
Hannah Petrakis met constamment son poney en scène. Plus de 22’000 followers suivent sa carrière politique sur Facebook, et un peu plus de 800 sur Instagram. De nombreux touristes, même américains et australiens, demandent à voir Patrick lorsqu’ils sont invités chez lui pour des scones et du thé, raconte Gordon, qui tient le «Weavers Cottage» au cœur de Cockington.
Mais comme tous les politiciens, Patrick n’a pas que des fans. Quelques semaines seulement après son entrée en fonction, il a dû quitter sa résidence officielle au Drum Inn. Son enclos ne disposait pas de l’autorisation de construction nécessaire et quelqu'un a déposé une plainte. En évoquant cet épisode, Kirk Petrakis soupire. «Vous trouverez partout des gens étroits d’esprit qui ont de la peine à sortir des sentiers battus», relativise-t-il.
Selon un sondage, près de 99% des villageois apprécieraient beaucoup Patrick. Ce qui n’empêcherait pas certains d’entre eux d’être dérangés par le fait qu’il soit maire. «Ça me paraît complètement fou, reprend son propriétaire. Qui n’aimerait pas avoir un poney Shetland comme maire?» Patrick se présente aux inaugurations et mord des rubans. Il faut faire la part des choses, assure-t-il: «Ce n’est pas comme s’il était assis à la mairie et prenait des décisions.» C’est le conseil municipal local qui s’en charge.
«Les gens en ont assez de la politique»
Six mois après son entrée en fonction, le pub est toujours une zone interdite pour Patrick. Contactés, les gérants ne veulent pas s’exprimer sur ce sujet et renvoient à la décision du district. Mais Hannah Petrakis flaire d’autres motifs derrière cette affaire. Un homme qui ne vit pas à Cockington aurait lui-même des ambitions pour le poste de Patrick, suppose la Britannique.
Depuis qu’il est banni de son QG, Patrick se rend régulièrement à Cockington, mais aussi dans les environs. À l’hospice de Rowcroft, situé à quelques kilomètres, les malades en phase terminale peuvent caresser sa crinière et se faire remonter le moral. «On voit comment ils se détendent», raconte Kirk Petrakis. La «pony-thérapie» aiderait même à lutter contre l’hypertension, l’anxiété et la dépression.
Alors que l’un ou l’autre villageois sourit plutôt de la fonction de Patrick ou l’accueille comme un aimant à touristes bienvenu, Kirk et Hannah Petrakis sont fermement convaincus qu’il est également fait pour cette fonction en termes de contenu: «Les gens en ont assez de la politique. Un député ne fait que passer, se fait photographier et passe à autre chose. Quand Patrick arrive, c’est la joie partout. Pas de jeux politiques!»
Une carotte et une Guinness
Patrick aurait tout de même des ambitions politiques, assure Kirk Petrakis. La paix dans le monde, avance-t-il. «On te mettrait dans une pièce avec Poutine et tous les autres puissants, et tu devrais gérer ça», dit-il en caressant affectueusement la bête. Gordon, le gérant du cottage, s’attend même à ce que le poney ait un «coup de génie» pour inverser le Brexit.
Patrick lui-même n’est pas déstabilisé par ces attentes. Dans son «Patrick’s Bar» mobile bleu clair, il grignote une carotte après sa promenade dans le village et prend une profonde gorgée de Guinness. Ses propriétaires en sont convaincus: ce nectar est bon pour les poneys.