Elle était au «centre» d'un «système organisé» visant à faire du Parlement européen la «vache à lait» du RN: l'accusation a requis mercredi à Paris cinq ans de prison, dont deux ans de prison ferme aménageables, 300'000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité contre Marine Le Pen.
En début de soirée, à l'issue de leur réquisitoire qui a duré toute la journée, les deux procureurs se font solennels quand ils réclament de la prison ferme contre la cheffe de file de l'extrême droite - une peine néanmoins aménageable, c'est-à-dire qu'elle n'irait pas en prison.
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Concernant l'inéligibilité, question décisive pour la triple candidate à la présidentielle, le parquet réclame l'exécution provisoire. Ce qui signifie que, si le tribunal suit le parquet, cette interdiction serait applicable dès la condamnation, y compris en cas d'appel.
RN jugé comme personne morale
Plus largement, le parquet réclame la condamnation de tous les prévenus, y compris du RN jugé comme personne morale, pour qui il demande 4,3 millions d'euros d'amende, dont 2 millions d'euros ferme.
En outre, le ministère public requiert notamment 18 mois de prison dont six mois ferme avec trois ans d'inéligibilité contre le N°2 du parti Louis Aliot; 10 mois avec sursis et un an d'inéligibilité contre le porte-parole du RN Julien Odoul; 18 mois avec sursis et deux ans d'inéligibilité pour la soeur de Marine Le Pen, Yann Le Pen. Avec à chaque fois, des amendes et l'exécution provisoire.
Marine Le Pen dénonce la «violence» les réquisitions
En sortant de la salle d'audience, Marine Le Pen dénonce la «violence» et «l'outrance» des réquisitions. «Je pense que la volonté du parquet est de priver les Français de la capacité de voter pour ceux qu'ils souhaitent» et de «ruiner le parti», assène-t-elle.
Depuis 09H30, les deux procureurs détaillent l'architecture d'un «système» qui a selon eux été mis en place au Front national (devenu RN) entre 2004 et 2016, consistant à conclure des «contrats artificiels» d'assistants parlementaires européens qui travaillaient en réalité pour le parti. Pour le parquet, il faut sanctionner «un enrichissement partisan inédit», par sa «durée» (plus de 10 ans), son «ampleur» (4,5 millions d'euros) et son «caractère organisé, systématisé».
Les prévenus «ont fait et entendaient continuer à faire du Parlement européen, pour le dire prosaïquement, leur vache à lait», insiste Louise Neyton. «On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes et ce jusqu'à la dernière miette.»
Jean-Marie Le Pen à l'hôpital, Marine Le Pen en procès
Dans la salle d'audience pleine, Marine Le Pen, assise au premier rang au côté de Louis Aliot, secoue vigoureusement la tête. Et pendant l'après-midi, alors que l'on vient d'apprendre que son père Jean-Marie Le Pen, 96 ans, est hospitalisé - «comme c'est le cas de manière régulière», précisera-t-elle à la presse - elle quitte plusieurs fois la salle d'audience pour téléphoner... Et en profite pour commenter devant les journalistes les réquisitions en cours dans la salle d'audience. «Leur seul objectif, c'est de m'empêcher d'être la candidate de mon camp à la présidentielle (de 2027). Il faut être sourd et aveugle pour ne pas le voir», assure-t-elle.
Pour le parquet, ce «système organisé» visait à «faire économiser» de l'argent au Rassemblement national en utilisant les 21'000 euros d'enveloppe mensuelle des élus européens, au mépris des règles démocratiques. A l'époque, «le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l'allègement des charges va être utilisé de manière systématique», que ce soit «légal ou pas», affirme la procureure Louise Neyton.
Face à «la fiction alternative» proposée en défense, les procureurs décortiquent, prévenu par prévenu et contrat par contrat, «la nature du travail» effectué par les douze assistants parlementaires, le «lien de subordination» qu'ils entretiennent avec «leur député» européen - neuf dont Marine Le Pen sont jugés au total. Avec un constat général: en justificatif de travail, «il n'y a rien», sauf «la fameuse preuve standard: la revue de presse», affirment-ils. Les contrats de travail? «Artificiels», sans «cohérence».
La défense doit plaider à partir de lundi et la fin du procès est prévue le 27 novembre. Le tribunal ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois.
«Une atteinte à la démocratie»
Le président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella a dénoncé comme «une atteinte à la démocratie» les réquisitions du parquet, qui a réclamé mercredi cinq ans de prison dont deux ans ferme aménageables et une peine d'inéligibilité contre Marine Le Pen au procès des assistants parlementaires du FN.
«Le parquet n'est pas dans la justice, il est dans l'acharnement et la vengeance à l'égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C'est une atteinte à la démocratie», a déclaré Jordan Bardella sur X.