La télévision est un média qui ne pardonne pas. Ce qu'on y dit est souvent secondaire. Ce qui compte, c'est la façon dont on le dit. Cette formule impitoyable, le président américain Joe Biden en a fait l'expérience lors du duel télévisé qui l'opposait à son prédécesseur Donald Trump. Le ton était donné avant même qu'il ne prenne la parole. Le président s'est traîné dans le studio tel un grand-père confus, tandis que son adversaire se pavanait déjà sur le plateau.
Mais c'est lorsque le chef d'État a commencé à parler que tout s'est véritablement écroulé. Faible, il bégaye, commence des phrases n'importe où et les interrompt n'importe comment. Il écorche des mots, faute de parler trop vite. Il se déplace lentement et paresseusement. Son regard est dans le vide, la bouche ouverte – comme un pauvre vieillard en fin de vie. Devant ce spectacle, un sentiment fait l'unanimité: la pitié.
Sur Joe Biden
Le lendemain matin, le constat est unanime. Joe Biden n'a pas été à la hauteur. Le mot «désastre» fait le tour du monde. L'ex-président Barack Obama devrait le pousser à se retirer, dit-on. «La panique s'empare des démocrates», écrit Maria Shriver du clan Kennedy au sujet du parti du président. «Joe Biden est un homme bon et un bon président», écrit l'éditorialiste du «New York Times» Thomas Friedman. Mais: «Il doit se retirer de cette élection.»
En réalité, il serait encore possible de remplacer Biden sur le ticket électoral. L'Amérique ne votera que le 5 novembre – les démocrates désigneront officiellement leur candidat à la mi-août lors de la convention du parti à Chicago. Des noms circulent déjà comme alternatives possibles: le gouverneur de Californie Gavin Newsom, son homologue du Michigan Gretchen Whitmer ou le ministre des Transports Pete Buttigieg.
Tous sont des gens compétents. Mais il semble peu probable que l'un d'eux se hisse à la tête du pays en novembre. Les élections de 2028 seraient un objectif plus réaliste. À ce moment-là, Trump ne pourrait plus se présenter à la présidence. Et ils le savent: cette année, l'ex-président traîné en justice ne pourra probablement être battu que s'il va en prison à la suite de sa condamnation de 34 chefs d'accusations.
L'élite face au peuple
Autre réalité: Joe Biden semble se préoccuper principalement des élites de la côte est et de la côte ouest. Donald Trump, par ses déclarations et son comportement, rassemble les personnes qui décident de ces élections: le peuple populaire.
Si les démocrates de l'ancien président Bill Clinton étaient autrefois un parti centriste, Barack Obama les a menés loin à gauche, droit vers Hollywood et les milliardaires de la Silicon Valley. De son côté, Joe Biden n'a pas réussi à freiner l'aile radicale de son parti et à placer des thèmes là où il se trouverait lui-même: au Centre raisonnable.
De plus, les médias sous-estiment depuis maintenant dix ans l'instinct politique de Trump. Malgré ses origines privilégiées, le New-Yorkais comprend ce qui fait bouger l'Amérique de l'intérieur du pays: il sait où se joue cette élection – dans les fameux swing states. Trump dit tout haut ce que les gens veulent entendre, et ce dans une langue qu'ils comprennent.
Malgré toutes les critiques – justifiées – sur la prestation de Joe Biden lors du débat, la prestation triomphale de Trump est mise au second plan. Plus calme que d'habitude, le candidat est apparu concentré, avec de la voix. Il s'en est tenu aux règles, a respecté les présentateurs et a offert à son public ce qu'il voulait entendre. Joe Biden va augmenter les impôts – lui va les baisser. Il mettra fin rapidement aux guerres. L'Amérique va mal. Sous son règne, Poutine n'aurait pas attaqué l'Ukraine et l'Iran n'aurait pas envoyé ses supplétifs – Hamas, Hezbollah, Houthis – contre Israël. La réponse de Joe Biden? «Trump n'a pas d'idées.» Peu convaincant.
Trump, celui qui dit les vérités qui dérangent
L'humoriste Bill Maher s'est amusé de l'effacement du président face à son rival: «Trump a raconté mensonge sur mensonge. Il ne s'en serait jamais sorti si Joe Biden avait été présent lors du débat.» Car le Républicain a bel et bien diffusé des dizaines de mensonges à la télévision. Joe Biden ne l'a lui-même guère remarqué, mais des vérificateurs de faits l'ont relevé de manière méritoire le soir même. La vérité est un pilier de toute démocratie. Mais les personnes qui votent pour Trump ne voient pas leur idole comme un menteur. Ils le considèrent comme celui qui dit des vérités qui dérangent, là où d'autres hommes politiques les mettent sous le tapis.
Si les médias se moquent de la façade clownesque de Trump, ses électeurs se reconnaissent à travers son comportement grossier. Ce qui les dérange vraiment? La forte hausse des prix au supermarché ou à la station essence. Les guerres qui font rage aujourd'hui en Ukraine et au Proche-Orient, encore inexistantes sous le règne de Trump. Les États et les villes américains gouvernées par des démocrates, là où la criminalité est croissante. Les politologues soulignent à juste titre qu'un président seul ne mérite ni lauriers ni critiques pour ses succès ou ses échecs. Mais en abordant des sujets désagréables, Trump fait preuve de compassion auprès des citoyens sur des problématiques bien réelles.
L'obstination augmente avec l'âge
Le sujet le plus évident reste celui de l'immigration illégale aux États-Unis. Depuis des années, Trump s'insurge contre celle-ci. Il n'a pas hésité à la mentionner lors du duel télévisé. Les républicains et l'ex-président lui-même se rendent régulièrement à la frontière sud pour constater la situation. Mais Joe Biden et les démocrates ont depuis longtemps détourné le regard de cette problématique. Pourtant, les sondages le montrent: il n'y a rien que les citoyens ne craignent autant qu'une immigration incontrôlée. Même les Afro-Américains et les Latino-Américains se tournent donc désormais vers Trump.
Donald Trump se dit respecté dans le monde entier par les hommes politiques influents, a-t-il lui-même souligné lors du débat télévisé. Ce n'est pas le cas de Joe Biden, ajoute-t-il. Et le débat auquel le public a assisté n'a pas fourni d'arguments s'opposant à cette thèse. Pour reprendre les mots de la chroniqueuse du «Wall Street Journal» Peggy Noonan: «Cela ne peut pas continuer ainsi. Le laisser (Joe Biden, ndlr) continuer revient à abuser des personnes âgées.»
Malgré tout, le président américain ne semble pas se faire de soucis. Il est remonté sur une scène dès vendredi. Il a toutefois admis qu'il ne débattait et ne marchait plus aussi facilement qu'avant. Mais dire la vérité, il n'a jamais cessé de le faire. Se retirer? Pas question! «Je veux gagner cette élection.» Un cliché que toutes les familles connaissent: l'entêtement augmente avec l'âge.