L'échec de la «marche sur Moscou» du Groupe Wagner en juin a fait de nombreux perdants, à commencer par le chef des mercenaires, Evgueni Prigojine, qui l'a payé de sa vie mercredi: il est décédé dans un accident d'avion près de Moscou.
Bien sûr, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dément que le crash ait été commandité par Poutine. Mais de nombreux indices laissent penser que l'Etat russe n'y est pas pour rien. C'est l'hypothèse d'Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall: «Il est très probable que Poutine ait mis en scène ce crash.»
Il y a donc du soucis à se faire pour celui qui a tenté de protéger Prigojine: Alexandre Loukachenko, le dirigeant biélorusse. L'annonce inattendue de l'abandon du patron de Wagner en échange de l'offre de Loukachenko d'un départ en toute sécurité vers la Biélorussie a renforcé la réputation diplomatique du chef d'Etat. La propagande de Loukachenko est allée jusqu'à affirmer qu'il avait sauvé le peuple russe d'une guerre civile – et Prigojine d'une sanction draconienne.
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La mort de Prigojine est un avertissement
Aujourd'hui, Prigojine est mort. Si l'accident d'avion a effectivement été orchestré, cet acte est un avertissement clair pour Loukachenko et ses alliés, surtout pour ceux qui ne savent plus très bien de quel côté ils se trouvent. C'est ce que pense l'ancien homme politique biélorusse Pavel Latouchka. Il a déclaré au journal polonais «Rzeczpospolita»: «Moscou montre à Loukachenko ce qui peut lui arriver s'il choisit de les trahir.»
La volonté de Loukachenko d'accueillir Prigojine et ses hommes pourrait également être interprétée comme une démonstration de force vis-à-vis de Poutine. En plus de cela, le jour de l'indépendance de l'Ukraine, Loukachenko a pris la parole avec un message douteux à l'attention du pays en guerre: «De nombreuses générations de Biélorusses et d'Ukrainiens vivent depuis des siècles dans l'harmonie et le respect. Nous devons mettre à profit notre voisinage pour couper court à la confrontation. La Biélorussie est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour aller dans ce sens et même plus.» Un appel à la paix ou un affront à Poutine?
La Pologne menacée par les soldats de Wagner?
L'avenir des mercenaires de Wagner en Biélorussie reste incertain. Loukachenko tentera probablement de garder les mercenaires de Wagner dans son pays encore un moment. C'est ce que suppose la journaliste biélorusse Hanna Liubakova dans un article pour le think tank Atlantic Council.
Et pour cause: les mercenaires de Wagner sont un bon moyen pour la Biélorussie d'intimider ses voisins occidentaux. Les mercenaires russes de Wagner pourraient-ils attaquer la Pologne? Le Premier ministre Mateusz Morawiecki estime que ce scénario est probable. Il a lui-même déjà mis en garde contre les «conséquences vraiment dramatiques» de la présence des soldats de Wagner en Biélorussie voisine. C'est pourquoi le gouvernement polonais souhaite déployer 10'000 soldats à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.
Le pouvoir de Loukachenko est limité
Après la mort de Prigojine, il est cependant possible que les mercenaires soient mis sous pression pour quitter la Biélorussie. Des discussions actives seraient actuellement en cours sur leur sort. «Je pense que les mercenaires se plieront à la décision du Kremlin, car ils se retrouveront sans deux de leurs principaux chefs», a déclaré le biélorusse Pavel Latouchka.
Le départ prochain des hommes de Wagner devrait susciter un sentiment de soulagement au sein de la population polonaise, tout comme au sein de la population biélorusse. Mais sûrement pas pour le dirigeant biélorusse. Car une fois de plus, il apparaît clairement que son pouvoir est limité. Le Kremlin dicte tout, même en Biélorussie, où Loukachenko ne fait que suivre Poutine.
(Adaptation par Lliana Doudot)