Cette fillette de neuf ans voulait en avoir le cœur net. «Pourquoi, Madame Haley, devriez-vous être présidente?», a demandé Hannah lors d'un meeting de la candidate républicaine dans le New Hampshire. «Je suis une mère, a répondu Nikki Haley. Je ne veux pas que mes enfants grandissent comme ça.» En insistant sur le mot «ça», l'ancienne représentante des Etats-Unis à l'ONU a dénoncé la polarisation qui caractérise son pays depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche.
Nikki Haley a deux hommes dans son viseur: le président américain Joe Biden et son prédécesseur Donald Trump. La quinquagénaire veut évincer le premier de la Maison-Blanche et empêcher le second d'y retourner.
Une stratégie qui fait mouche
Dans son nouveau spot publicitaire diffusé dans l'Iowa et le New Hampshire, les deux Etats où se dérouleront les premières élections primaires en janvier, la candidate promet de mettre un terme au «chaos dans nos rues et dans nos universités». Elle vise ainsi les violentes manifestations anti-israéliennes, dont Joe Biden serait selon elle responsable, et le désordre permanent qui entoure Donald Trump.
La candidate se présente comme une femme de bon sens, qui préfère le pragmatisme aux polémiques. La stratégie fait mouche. Selon les sondages, l'ancienne gouverneuse de Caroline du Sud arrive en deuxième position parmi les candidats de droite à la présidentielle. Bien qu'encore loin derrière le leader républicain Donald Trump, elle devance clairement le gouverneur de Floride Ron DeSantis.
Nikki Haley rattrape ainsi son retard et les groupes conservateurs influents l'ont remarqué. La fille d'immigrés indiens peut désormais compter sur leur large soutien financier. Des banquiers de Wall Street recommandent de voter pour elle et ses meetings affichent complets. Lors des débats télévisés, elle devance ses adversaires républicains, car elle se montre plus intelligente, plus offensive et plus éloquente.
Le New Hampshire comme seule chance
C'est sans doute pour cette raison que les commentateurs des chaînes d'information discutent chaque soir de ses chances d'être nominée à l'issue des primaires républicaines. En vérité, sa seule chance s'appelle New Hampshire. Le 23 janvier, elle doit remporter les élections primaires dans ce petit Etat ou talonner Donald Trump. Si elle n'y parvient pas, elle pourra oublier ses rêves de gouverner.
Sa mission n'est pas impossible. Les Républicains du New Hampshire sont considérés comme modérés et les indépendants peuvent aussi y voter. Les fonds de campagne de Nikki Haley sont bien remplis. Elle dispose de suffisamment de réserves pour rester dans la course jusqu'au Super Tuesday, soit jusqu'au 5 mars, lorsque plus d'une douzaine d'États voteront en même temps.
«Il y a encore un type devant nous», a récemment déclaré Nikki Haley. Elle parlait évidemment de l'ancien président républicain, contre lequel elle se positionne en tant que politicienne modérée qui souhaite éloigner son parti du populisme conservateur.
Elle prend ainsi ses distances avec l'homme qui l'a jadis conduite sur la scène internationale. En 2017, Donald Trump avait fait venir Nikki Haley à New York pour la nommer ambassadrice à l'ONU. Nikki Haley avait su convaincre sur la scène internationale et avait gagné en renommée dans son pays.
Convertie au christianisme
Au début des années 1970, ses parents ont émigré d'Inde vers l'État de Caroline du Sud. Son père était professeur de biologie, sa mère gérait une entreprise de mode. À 13 ans déjà, Nikki Haley y tenait la comptabilité. Elle a poursuivi dans cette voie avec des études de comptabilité et a continué à travailler dans le domaine de la mode. C'est à l'université qu'elle a rencontré Michael Haley. Ils se sont mariés dans un temple sikh et dans une église. Plus tard, elle s'est convertie au christianisme. Le couple a deux enfants.
La candidate parle souvent de ses origines. «Je suis la fière fille d'immigrés indiens», a-t-elle déclaré en 2020 lors de la convention du parti républicain. Son père portait un turban et sa mère un sari. «J'étais une fille brune dans un monde noir et blanc.» Ce qui était parfois douloureux: «Nous avons été discriminés et avons dû faire face à des difficultés, mais mes parents n'ont jamais été guidés par le ressentiment et la haine.»
Des positions fluctuantes
Des femmes comme l'ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher et la sénatrice Hillary Clinton l'ont inspirée à se lancer dans la politique. Après un passage au parlement de Caroline du Sud, Nikki Haley a réussi à se faire élire deux fois, en 2010 et 2014, au poste de gouverneur de son État natal.
Sur le plan politique, la Républicaine se décrit comme une «conservatrice pragmatique», ce que ses détracteurs qualifient parfois d'inconstance. Elle serait une «flip-flopper», une girouette tournant selon l'humeur du moment. Sa relation avec Donald Trump en serait un exemple. Elle a déclaré qu'il avait «perdu toute viabilité politique» après l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Mais elle a fait marche arrière peu après.
En tant qu'ambassadrice à l'ONU, elle a critiqué la Chine, mais en tant que gouverneuse, elle a aidé les entreprises chinoises à s'installer en Caroline du Sud. Elle a dénoncé l'interdiction d'entrée sur le territoire de Donald Trump pour les Musulmans comme «absolument anti-américaine». Mais à l'ONU, elle a défendu son décret interdisant l'entrée aux États-Unis des réfugiés de six pays musulmans.
Trop modérée?
En politique étrangère par contre, ses positions ne font pas de doute. La candidate est pour Israël, pour Taïwan, pour l'Ukraine. Elle qualifie le président russe Vladimir Poutine d'«assassin». Sous sa présidence, les États-Unis reprendraient sans doute plus de responsabilités dans le monde – un revirement par rapport à l'isolationnisme de Donald Trump.
Si cette stratégie est bien accueillie par les Républicains modérés, certains Démocrates aussi préfèrent Nikki Haley à l'actuel président Joe Biden. Mais cela ne l'arrange pas. Le parti de Nikki Haley est conservateur et populiste. Or, elle s'adresse surtout aux Républicains qui n'aiment pas Donald Trump. Sauf qu'ils ne sont pas assez nombreux pour faire de Nikki Haley la candidate républicaine. Son retard sur Donald Trump? Selon les sondages, 50%.