Serpents, perroquets, guépards et toucans, expédiés tels de simples colis Amazon via des commandes réalisées sur les réseaux sociaux: le phénomène devient de plus en plus fréquent, transformant Facebook et WhatsApp en véritables plateformes de trafic illégal d'animaux.
Le phénomène, relevé début décembre par «The Guardian», émerge depuis quelques mois et suscite l'inquiétude des spécialistes. En octobre, l'association Global Initiative Against Transnational Organized Crime (soit l'Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale) comptait la présence de 477 pubs en ligne, proposant de vendre environ 18 espèces protégées rien qu'au Brésil et en Afrique du Sud, en l'espace de trois mois. Une grande majorité de ces annonces (78%) avaient été postées sur les réseaux sociaux.
Ainsi que le rappelle le média français «Slate», un rapport publié en mars par l'organisation Traffic soulignait que 70% des ventes illégales de jeunes guépards, destinés à devenir des animaux de compagnie «exotiques», sont également organisées via ces plateformes. Après un premier contact réalisé depuis l'annonce initiale, vendeur et acheteur finalisent simplement la transaction via une app de messagerie.
Vendus et trimballés dans un état déplorable
«Ça ne devrait pas être aussi facile, s'alarme Simone Haysom, directrice du secteur des crimes environnementaux chez Global Initiative, auprès du média britannique. Ces plateformes numériques permettent actuellement aux espèces les plus menacées et les plus protégées d'être vendues à des consommateurs.»
Au Brésil, la police tente de garder un œil sur les annonces, afin d'intercepter ces ventes et placer les animaux dans des centres de soins. En effet, ceux-ci arrivent fréquemment chez leurs nouveaux propriétaires après de longs voyages totalement inadaptés. «The Guardian» fait notamment état de bébés perroquets découverts dans une boîte, à peine âgés d'un mois, dépourvus de plumes et souffrant de malnutrition. Volés par des braconniers, «peut-être même dans le nid de leur mère», ils avaient été proposés au plus offrant sur les réseaux.
D'après Crawford Allan, vice-président du département de la criminalité naturelle chez WWF, le phénomène est devenu systémique après la pandémie: «Les trafiquants ne pouvaient plus se déplacer, donc beaucoup de transactions se sont retrouvées sur la Toile, et c'est devenu la norme», indique-t-il, toujours au média britannique.
«Beaucoup plus peut être fait»
Pour les experts, il est urgent que les entreprises concernées prennent des mesures pour entraver ou interdire cette pratique: «Il faut investir beaucoup plus de ressources dans la régulation de ces ventes illégales d'animaux sauvages sur ces plateformes, affirme Richard Scobey, directeur de l'organisation Traffic, auprès du «Guardian». Les réseaux sociaux fournissent des efforts pour lutter contre le phénomène, mais pourraient faire bien plus.»
Au sein de WWF, une coalition spéciale dédiée à la lutte contre le trafic illégal d'animaux souligne la suppression de 7,6 millions de telles annonces, en 2023, en collaboration avec Meta. Crawford Allan, l'un des membres fondateurs de cette initiative, assure que certaines entreprises ont trouvé le bon équilibre, alors que d'autres n'y sont pas encore parvenues: «Certaines n'en font pas assez, ou ont mis le projet en suspens, alors qu'elles devraient intensifier leurs efforts», déplore-t-il, toujours au «Guardian».