Pékin joue sur un terrain glissant
En Chine, les sports d'hiver cartonnent malgré le risque climatique

L'industrie des sports d'hiver en Chine connaît un essor fulgurant, avec des recettes prévues de 130 milliards d'euros cette année. Le président Xi Jinping ambitionne de faire de la Chine un leader mondial, malgré les défis du changement climatique.
Publié: 16.02.2025 à 07:22 heures
Xi Jinping veut faire de la Chine un leader mondial des sports d'hiver
Photo: VCG via Getty Images
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AFP Agence France-Presse

Pistes bondées, coussinets en peluche et forfaits à 10 francs: qualifiés de «montagne d'or et d'argent» par le président Xi Jinping, les sports d'hiver sont en plein essor en Chine, même si le changement climatique pourrait bientôt gâcher la fête.

Avec plus de 120 milliards de francs de recettes prévues cette année, selon le gouvernement, l'industrie des sports d'hiver est une rare exception dans la deuxième économie mondiale, où la consommation reste atone depuis la crise du Covid-19.

Pékin veut devenir un mastodonte du ski

Xi Jinping a l'ambition de faire de la Chine un leader mondial des sports d'hiver. Le pays s'est mis pour cela à accueillir des événements internationaux majeurs, comme les Jeux asiatiques d'hiver de Harbin (nord-est) la semaine dernière, après les Jeux olympiques d'hiver de Pékin en 2022.

La fièvre des Jeux asiatiques encore dans l'air, par un dimanche froid mais clair, les chiffres de location de chaussures s'envolent dans la station de Mingu, à Harbin, où un flot constant de skieurs se dirige vers les deux pistes du domaine.

«C'est la première fois que je fais du ski», s'enthousiasme Deng Meiting, une étudiante de 18 ans, le dos protégé par un coussinet en forme de tortue verte. «Je voulais essayer parce que les sports de neige sont en vogue, tout le monde veut essayer le ski», raconte-t-elle.

De skis pour seulement 10 francs

Les forfaits journaliers les moins chers du domaine coûtent l'équivalent d'environ 10 francs pour deux heures, location de matériel comprise. «La barrière d'entrée est assez basse pour les débutants», estime Hu Enjie, venu de Nanjing (est) et qui skie lui aussi pour la première fois de sa vie.

Entre le 1er mai 2023 et le 30 avril 2024, la fréquentation des domaines skiables a augmenté de 16% à 23 millions de visites par rapport à la même période de l'année précédente, selon le Livre blanc de l'Industrie du ski de Chine.

Une aubaine pour les moniteurs

Yang Biyuan, un moniteur de ski de 26 ans, se frotte les mains. Non à cause des températures glaciales de Harbin, mais parce qu'en un an, ses revenus ont augmenté d'un tiers. Il prévoit de gagner environ 15'000 yuans (1860 francs) en février, bien plus que le salaire mensuel moyen d'un citadin chinois.

«Quand j'ai commencé en 2020, la majorité des personnes sur les pistes étaient des gens qui savaient skier et faire du snowboard», explique Yang Biyuan à l'AFP. Maintenant, les débutants sont de plus en plus nombreux et les affaires sont excellentes pour les moniteurs, note ce natif de Harbin, qui peut ainsi travailler dans un petit domaine skiable près de chez lui plutôt que dans une station éloignée.

Une aberration écologique

Rien que l'an dernier, 30 nouvelles stations de ski ont vu le jour en Chine. Cependant, si l'enthousiasme est bien présent, la neige risque de l'être de moins en moins, préviennent les experts, qui soulignent que la saison du ski est de plus en plus courte partout dans le monde à cause des températures en hausse.

La Chine dépend déjà largement de la neige artificielle, les conditions naturelles n'étant pas fiables dans la plupart des régions du pays. Une tendance qui menace d'empirer, dans un pays qui a connu en 2024 l'année la plus chaude de son histoire.

Un nouveau modèle économique

«Même si c'est vous qui produisez toute la neige, si les températures sont trop élevées pour qu'elle colle au sol, cela ne sert à rien», explique à l'AFP Madeleine Orr, experte en écologie du sport. Selon elle, les stations de ski en Amérique du Nord et en Europe ont besoin de rester ouvertes au moins 100 jours par saison pour être rentables.

Paradoxalement, l'engorgement des pistes de ski chinoises, sujet de mécontentement récurrent sur les réseaux sociaux, pourrait sauver la situation. «S'ils parviennent à attirer un très grand nombre de personnes au cours d'une saison légèrement plus courte parce qu'ils ont incité la participation à ces sports d'une manière ou d'une autre, alors il serait possible de réduire cette centaine de jours», pense Madeleine Orr.

Leader des stations intérieures

La Chine est aussi le numéro un mondial des stations de ski intérieures. Elle héberge la moitié des dix premières au monde en termes de surface d'enneigement, selon la firme Daxue Consulting.

La plus grande du monde (près de 100'000 mètres carrés sur quatre pistes skiables) a ouvert ses portes à Shanghai le 6 septembre 2024, un jour où la température extérieure dépassait les 30°C.

Produire toute cette neige artificielle consomme de grandes quantités d'eau et d'énergie. En 2022, les organisations de défense de l'environnement avaient déjà critiqué sévèrement les JO de Pékin pour avoir installé des pistes artificielles dans une région frappée par la sécheresse.

«D'un point de vue économique, la Chine pourrait rendre durables ses investissements dans les sports de neige», relève Madeleine Orr. «Mais d'un point de vue environnemental, non.»

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